Après Thergothon, voici venir Worship qui a marqué la dernière décennie en engendrant une oeuvre majeure dans le panthéon du funeral/doom metal. Worship fut à l'origine le projet du dépressif Maximilien Varnier, dit "Fucked-up Mad Max" qui s'est donné la mort lors de l’année 2001 en se jetant du haut d'un pont. Celui-ci s'occupe du chant et de la batterie, laissant un certain Doommonger officier aux guitares. Maintes fois réédité, Last Tape Before Doomsday était originellement paru sous le format cassette sur le label de Mad Max nommé "Impaler of trendies", puis a été réédité à un nombre limité de copies jusqu'en 2009 au format tape, vinyl, puis CD. Last Tape before Dommsday est l'unique demo que Mad max eût le temps de produire avant son suicide. Seul un split paru l’année 2000 lui a permis de témoigner une dernière fois de son mal-être. Le disque a été enfanté alors que son géniteur était au bord du gouffre. Les 46 minutes de cet opus correspondent ainsi à une longue crise de dépression incurable capturée sur cassette.
D'emblée, Worship exprime sa douleur par une lenteur mélancolique propre à celle d'un rite funéraire. La batterie, très rare et parfois même inexistante, s'efface sous le tintement de glas mortuaires, laissant le chant et la batterie dominer la fresque sonore afin de suivre le cadavre vers sa fosse. Les vocaux, caverneux et gutturaux, sont growlés, comme s'il s'agissait du défunt qui gémissait seul sous plusieurs mètres de terre, exprimant ses regrets en pleurant. Mad Max parvient à mêler habilement le français, l'allemand et l'anglais au sein des paroles d'un même morceau.
Ainsi, de longues parties acoustiques au piano se voient accompagnées dans leur minimalisme par des chuchotements susurrés en français qui instaurent une atmosphère profondément sinistre et tendue. Les guitares, incisives et tranchantes ont un rendu distordu et particulièrement noir comme le prouvent les riffs du morceau Whispering Gloom ainsi que du titre éponyme Worship. Les mélodies semblent en effet creuser un parcours tortueux vers le fond du cerveau de l'auditeur pour y planter les graines de la mélancolie. Le second track intitulé Solicide and the Dawning of the Moonkult rappelle l'inspiration exercée par Thergothon de par des psalmodies incantatoires en voix claire qui se lamentent. L’auditeur en conclut que l'Homme est malade, car il est mal fait. Dès lors qu'une maladie incurable l'infecte, l'ampute et l'émascule, son existence devient alors futile. Il prend conscience qu'il n'est au fond de lui que de la barbaque, et que cet amas de viande zébrée de cicatrices autrefois appelé "corps" ne vaut rien. Sa vie s'accomplit et trouve son véritable sens dans la putréfaction des chairs. Avec ses quatre morceaux d'une durée moyenne de 10 minutes, Worship se pose en tant que l'expression de la fatalité de l'existence et de l'inexorable mort qui tarde d'abolir la souffrance par un néant ultime; car comme le titre de la demo l'indique, il s'agit là de la dernière cassette enregistrée avant le jugement dernier.
Worship signe là un chef-d'oeuvre incontournable du Doom funéraire. Last Tape Before Doomsday est une source intarissable de mélancolie et de tristesse qui remet en question l'utilité de la vie. La lenteur du rythme, l'oppression exercée par la voix et les pleurs des guitares mettent en valeur toute la nostalgie que put éprouver Mad Max alors qu'il touchait au crépuscule de son existence. En résumé, à ranger aux cotés d'un Fhtagn-nagh Yog-Sothoth de Thergothon.