1998/ Les nazis les plus compétents et les mieux expérimentés [...] en furent stupéfait...
Et deux ans plus tard, voici le double maléfique, le jumeau noir du très blanc « Tentation du bonheur ». Et en effet, quand on inverse les mots, le titre ne veut plus du tout dire la même chose.
Thiéfaine s'est amusé avec ces deux albums a inverser les titres, faire des suites, a bouleverser l'ordre établi dans l'album grand frère.
Ainsi après « 24 heures dans la nuit d'un faune », nous passons à la « 27 éme heure nuit faunesque », après le voyage d'Orphée nous nous promenons avec Eurydice et « La Philosophie du Chaos » devient « Le Chaos de la Philosophie ».
J'ai personnellement trouvé que c'était un album assez inégal. Certaines chansons m'ont moyennement interpellées alors que d'autres m'ont carrément transportées. Et sur la longueur j'ai pas mal changé d'avis aussi. Certains titres qui au départ me plaisait ont fini par me lasser à la longue et inversement.
Par exemple, "La balade D' Abdalah Géronimo Cohen" m'avait vachement plu et maintenant j'accroche moins bien, idem pour « Bouton De Rose ».
« Et je voyage en classe clandestine
Dans la sève des bouquets d'églantine
Dans le satin d'essence assassine
Je m'incline... »
Par contre, le démarrage de l'album me fait toujours autant d'effet, ses percus, sa guitare qui semble vouloir décoller sans y parvenir, c'est très efficace. Et le texte de ce « Retour Vers La Lune Noire » est juste parfait, les chœurs, tout...
« Dans tes yeux cramoisis aux chiffres mentholés
J'aperçois le killer de tes amours vaudous
Brisant les corps moisis, fallacieux et glacés
De tes poupées nitides aux baisers d'amadou »
Marzin signe à la guitare un trait de génie sur la plupart des titres, les emportant dans des solos au style unique. En particulier dans la très magnifique « Empreintes Sur Négatifs » dont l'intro me fait vachement penser à la première suite pour violoncelle de Bach :
http://www.youtube.com/watch?v=ZBDD7aLd6lc
(pas vous?)
Nous retrouvons le titre « Dans Quel Etat Terre » qui ressemble étrangement par ces jeux de mots et son thème à « Terrien T'es Rien » de Fragments d'Hébétudes mais aussi « Méthode De Dissection Du Pigeon A Zone-La-Ville », morceau qui même si j'y comprends rien me donne une furieuse envie d'écrire moi aussi.
« Tu sais plus si c'est l' vent du nord
Qui souffle dans ton crâne un peu fort
Ou bien si c'est l'ombre du remords
Qui fait hurler les anges à la mort »
Mais pour moi le coup de maître total et absolu de l'album c'est « Exercice de Simple Provocation Avec Trente Trois Fois le Mot Coupable ». Pamphlet lapidaire et provocateur visant terriblement juste en tapant pourtant au hasard.
Sur le livret de l'album, il y avait un bon de réservation pour aller voir le concert de Théfaine à Bercy pour fêter ses 20 ans de scène. J'ai eu la chance d' assister à l’évènement et je peux vous assurer que quand il a joué son exercice de provocation, un silence de plomb est tombé dans la salle, tous littéralement emportés par cette chanson au rythme lent, au texte parlé, égrainé comme on raconte une histoire malsaine. Cette chanson est un hymne, un hurlement du cœur sauvage et le passage sur les nazis est particulièrement puissant :
« Je me sens coupable d'imaginer la tête laborieuse de certains de mes voisins, de certains de mes proches, de certaines connaissances, de certains petit vieillards crapuleux, baveux, bavards, envieux et dérisoires, appliqués à écrire consciencieusement ce genre de chef d’œuvre de l'anonymat, je me sens coupable d'avoir une gueule à être dénoncé !!!! »
Du Férré sublimé, un coup de maître.
Cet album, bien qu'inégal, pose les bases de ce que va devenir Thiéfaine dans ces prochains albums. On sent ici les prémices de futurs morceaux qui deviendront des œuvres majeures de l'artiste.