Le Chant des sirènes par MVCDLM

Je ne comprends vraiment pas la hype autour de Orelsan. Parce qu'il fait moins "banlieue" que les autres ? Parce que c'est "original" ? Franchement j'aimerai qu'on m'explique. Si je n'ai aucune antipathie particulière pour lui, musicalement, faut quand même pas abuser, si ça sera toujours mieux qu'un album de La Fouine ou de Canardo (le hip hop français ressemble décidément de plus en plus à une basse cour...), ça ne tient pas non plus du génie à mon sens. Illustration avec son premier album "Perdu d'avance" qui était toutefois sympathique, mais ne retournait pas le cerveau que ce soit par la production musicale ou les paroles. Un album pas révolutionnaire, mais convenable, qui méritait bien plus une victoire de la musique que cet effroyable "chant des sirènes" auquel Orelsan semble avoir cédé. Alors que depuis le début de sa carrière, Orelsan affichait une image assez "lascar" avec casquette, teddy, et malgré tout un univers typé "street" et provoc, on sent une volonté chez ce dernier (et aussi très certainement de son label) de sortir de tout ça, et de changer complètement d'image et de stratégie, très certainement pour ne pas avoir à répéter la polémique du morceau "Sale Pute". Exit tout le côté "street" et bonjour le lissage d'image à la limite de la caricature - apparition d'une coupe de cheveux et d'un brushing parfait et petits pulls overs d'enfant sage - et l'adoption d'un style hype électro hip hop gentillet. Le pauvre Aurélien ira même jusqu'à se fourvoyer dans un duo avec Jena Lee. Et l'album est à l'image, pas un mot plus haut que l'autre, des morceaux très politiquement corrects (même "Suicide Social" qui ne choque que quand on a 14 ans) et une production musicale électro très minimaliste pas très violente. Bref une "Abd Al Malikisation" de carrière assez évidente, tellement tout a été clairement fait pour arrondir les angles.

Mais si tout cela ne sont pas forcément des défauts en soi - quand c'est très bien produit, bah ça ne pose pas de soucis - l'exécrable production musicale flanque tout par terre. La plupart des morceaux sont complètement anecdotiques et oubliables (souvent par une instru électro peu inspirée), et certaines tentatives assez étranges sur certains morceaux sont épuisantes. Outre les tentatives ratées de chant de Orelsan (quand on ne sait pas chanter, c'est toujours une mauvaise idée - coucou Oxmo Puccino), on notera certains tics complètement énervants comme des voix pitchées sans raison valable (les "on y va - suis moi" de l'effroyable "Plus rien ne m'étonne" ou le refrain de "La petite vendeuse de porte clefs"). Mais surtout ce qui frappe, c'est le flow de Orelsan. Si on a beaucoup reproché à Fuzati du Klub des Loosers un flow parfois approximatif - ce qui peut aisément se comprendre - je ne comprends pas que personne ne reproche à Orelsan son flow complètement monotone et robotique, qui donne l'impression d'entendre une répétition avant enregistrement, où il cherche à bien caler son texte en rythme, sans pour autant y mettre d'entrain dessus. De véritables exercices d'orthophonie. Un flow que je trouve, pour ma part, complètement soporifique et trop mécaniques pour accrocher, où l'on suit un ton très plat qui ne varie presque jamais. Je terminerai sur le morceau "1990", qui consiste à un simple name-dropping de noms et de marques des années 80 et 90, un exercice que je trouve horripilant, car c'est, pour ma part, de la véritable fainéantise d'écriture, et tout ça uniquement pour faire un clin d'oeil aux gens de la même génération pour qu'ils se disent "ha ouais je m'en souviens de tout ça". Ca ne raconte rien, c'est inutile.

Si le changement d'image d'Orelsan peut aisément se comprendre, et pas forcément choquer (après tout il n'aurait pas été le premier ni le dernier à le faire), il est dommage que moins d'attention ait été porté sur la production de cet album, complètement bas de gamme à plein de niveaux. Orelsan le dit clairement, il n'était pas forcément motivé à faire un autre album, peut être pas aussi rapidement en tous cas. A l'écoute, ça se sent, on devine fortement les annotations de son contrat qui l'ont probablement obligé à accoucher aussi rapidement d'une nouvelle galette, sans forcément avoir l'envie derrière. Au final, ça a porté ses fruits, l'album a bien marché, le voilà couronné de 2 victoires, il est écouté par les gens qui "d'habitude aiment pas le rap mais là aiment bien parce qu'il est "plus intelligent", et il est devenu le nouveau chouchou des médias, qui lui ont presque tous chié dessus à l'époque de "Sale Pute". Peut-être est-ce ce qu'il faut pour que le rap intéresse les gens et obtienne l'approbation, tout comme ces rappeurs, comme La Fouine justement qui accouchent de croûtes à la limite de la hype pour passer leurs morceaux en boîte. Ce qui signe quand même un certain échec du rap en France: n'avoir jamais réussi à se faire accepter comme il est.