Alors. Par où commencer.
Déjà soyons honnêtes. C'est loin d'être le pire truc que j'ai pu voir. En terme de comédie française, il est possible de creuser encore plus. J'en prends pour exemple la filmo de Fabien Onteniente et ses effroyables Camping, la récente vague de comédies réacs ou bien, ma petite némésis perso, la filmo de Eric Lavaine, qui nous a notamment pondu un des trucs les plus faisandés de l'histoire de la comédie française, "Protéger et Servir" avec Kad Mérad et Clovis Cornillac en roue libre, cabotinant en flics abrutis au milieu d'un amas de gags consternants, et dont le principal running gag est "Carole Bouquet elle pue de la bouche" (je ne plaisante pas). Alors après, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, ce troisième opus des Visiteurs est d'une non-drôlerie à toute épreuve. Certes, on a pas mal droit à des blagues sur l'odeur, le caca, etc... Mais après tout, c'est un peu ce qu'on nous sert depuis le 1er épisode, donc pas vraiment de surprise.
Non, le principal problème de ce "Visiteurs 3" est: quel en est son putain d'intérêt ? Bon, admettons qu'il y ait des fans hardcore de Jacquouille qui n'attendaient que ça depuis 17 ans; soit. Aussi tardive soit-elle, cette suite aurait au moins pu délivrer ce qu'on aurait pu en attendre d'elle. Drôle ou pas, l'intérêt aurait été de jouer sur cette traditionnelle rupture entre deux époques: quiproquos, anachronismes, etc... Ca n'aurait peut être (sans doute) pas été plus drôle, mais au moins, ils auraient essayé. Là c'est... vide. Le contenu est d'un inintérêt fascinant. Autant le dire tout de suite: le film aurait très bien pu ne pas être un opus des Visiteurs. Le film se concentre à peine sur les deux héros habituels de la saga, mais se concentrera aux 3/4 sur les péripéties de nobles cherchant à traverser Paris sans perdre leur tête. Jacquouille et Godefroy les accompagnent, mais n'influe quasiment en rien sur leur histoire, tandis que le but de ces derniers (retourner à leur époque), ne fait quasiment pas partie des enjeux évoqués tout au long du film. Dans les deux premiers, ils créaient des situations, pendant qu'ils cherchaient le moyen de revenir dans le passé. Ici, ils traînent à côté de personnages dont on se branle la tartine, pour au final se rappeler à un quart d'heure de la fin que "ha mais oui, on est dans les Visiteurs, ça serait bien de leur faire faire un truc de voyage dans le temps ou je sais pas quoi".
Mais si encore ce n'était que ça le problème. Au delà du fait qu'il ne se concentre pas sur ce qu'il devrait, le tout est fait avec une implacable lourdeur. Pour citer un camarade qui m'a résumé le film "dans ce film, on ne sait pas ce qui est un gag et ce qui ne l'est pas". Et c'est parfaitement résumé. On se coltine des TUNNELS de dialogue sans aucun intérêt quelqu'il soit: dramatique, faisant avancer l'intrigue, voire même tout simplement COMIQUE! Des scènes interminables pour savoir qui va monter les meubles dans l'escalier, pour savoir comment fonctionne une salle de bains, savoir qui va emmener quoi pendant la traversée de Paris. L'encéphalogramme plat. Le tout servi par des acteurs bien trop nombreux pour rendre l'action limpide, tant et si bien que beaucoup de personnages ne servent littéralement à rien (l'effroyable Ary Abbittan par exemple ou le personnage de Victoire Eglantine campé par Stéphanie Crayencour).
Au milieu de tout ça, et bien, on retrouve la Poiré's touch: à savoir des personnages qui HURLENT à 90% du temps, un montage hystérique à base de 54 plans à la minute, des angles de caméra improbables (j'aimerai qu'on m'explique un jour cette manie de Poiré de foutre sa caméra littéralement aux pieds de ses acteurs), technique à la ramasse (la moitié du film se déroule dans une nuit américaine (scènes de nuit tournées de jour), tellement ratée qu'on voit très bien que c'est tourné en plein jour, surtout quand ça alterne avec de vraies scènes tournées de nuit), et du pipi caca en veux-tu en voilà (climax: Robespierre a la chiasse en mangeant du boudin noir préparé par Pascal n'Zonzi qui doit finalement être bien content de ne pas apparaître sur l'affiche). Et bien sûr, comme c'est les Visiteurs, le spectateur aura droit à sa petite dose de répliques """cultes""" (avec 3 couches de guillemets) à hurler à la machine à café pour faire rire les collègues. Sauf qu'ici, si on pouvait accrocher aux "Okay" ou autres "Dingue" plus court et spontanés, on nous sert quasiment des phrases entières et dont la drôlerie m'échappe encore. Le must étant cette scène interminable, cristallisant à elle seule tous les problèmes du film, où Christian Clavier se lève d'un repas pour aller chercher du lait en hurlant dans tout paris "Y'A PLUS D'LAIT! Y'A PLUS D'LAIT!". C'est tout. Pas de chute, pas de construction de quelconque montée comique. Juste... y'avait plus de lait.
Dernier clou dans le cercueil, le duo Clavier/Réno. Enfin plutôt Jean Réno. Si Clavier semble s'amuser comme un petit fou (encore heureux vu qu'il a co-écrit le film), ça semble être largement moins le cas de Jean Réno qui semble souffrir à chaque instant, annonant ses répliques avec difficultés en bouffant la moitié de ses phrases. La souffrance semble telle qu'on dirait qu'il faisait un AVC entre chaque prise. Ha, et chose cocasse, comme cette suite sort avec 17 ans d'écart avec le précédent opus, Poiré et Clavier ont cru bon justifier la prise d'âge des acteurs par une astuce scénaristique. En gros, comme ils sont coincés dans les couloirs du temps, ils vieillissent plus vite! Cascade magistrale. En revanche, rien n'a été justifié pour Marie-Anne Chazel, qui campe un personnage tout autre, et qui n'est pas exposé à ce problème. Tout juste se fait elle traiter de vieille peau par Jacquouille histoire que ça passe en douceur.
Bref au-delà d'avoir 17 ans de retard, et de ne plus intéresser grand monde (on est passés de 14 millions de spectateurs à à peine 2 millions, même si ça reste beaucoup, surtout après un faux remake américain complètement bidesque), cet opus a été pensé en dépit du bon sens, en écrivant des kilomètres de dialogue sans intérêt servi par des acteurs pas très investis ou conscients du naufrage dans une incessante cacophonie de près de 2h. Le pire dans tout ça ? Le film se finit sur une fin ouverte. Mais je suis pas sûr que grand monde ait envie de remettre le couvert une quatrième fois.