Il y a quelques années, au grand dam de ses adeptes, Leonard Cohen délaissa sa guitare au profit d’austères claviers. À l’heure d’enregistrer l’inusable Mustango (1999), Jean-Louis Murat – dont les obsessions convergent de façon troublante avec celles du Canadien – opta pour la démarche contraire. Trouvant refuge en Arizona puis à New York, le futur Moujik apportait alors un peu de nerf à une discographie qui menaçait de s’assoupir dans les brumes de son Auvergne chérie. L’expérience fut si libératrice qu’on le retrouve dix ans plus tard à Nashville, guitare à la main, à peaufiner quelques-unes de ses plus belles chansons (Falling In Love Again, Chanter Est Ma Façon D’Errer, Taïga). Premier grand disque français à paraître depuis la disparition d’Alain Bashung, Le Cours Ordinaire Des Choses témoigne d’un amour commun pour les deux Léo (Ferré et Cohen), maintes fois repris ou adaptés dans la langue de Gainsbourg par les deux génies… Ainsi, Murat se retrouve-t-il aujourd’hui artistiquement plus seul que jamais, confirmant son statut de Loner français. En studio, il n’a, en revanche, jamais été aussi bien accompagné ! Loin d’un exercice de style façon The Greatest (2005) de Cat Power, ce douzième album studio convie une dizaine de musiciens aux références prestigieuses (Crosby, Stills, Nash & Young, Al Green, Dusty Springfield) à son chevet. Il permet surtout de retrouver un Murat dans tous ses états, à la fois acerbe (le single Comme Un Incendie), bucolique (La Mésange Bleue, bouleversante) et amant passionné (16h00 Qu’est-ce Que Tu Fais). Certes, des esprits grincheux trouveront là quelques similitudes avec de précédentes chansons : comme on les plaint de s’arrêter à la porte d’un disque aussi long en bouche ! Plus poétique que jamais, son verbe s’enrichit à chaque livraison annuelle. Filmée par Laetitia Masson, la genèse de ce disque devrait pour finir enchanter les éternels amoureux auxquels Murat s’adresse depuis ses débuts…(Magic)
Un an à peine après Tristan, mais surtout dix ans après sa première escapade américaine avec Mustango, Jean-Louis Murat s’exile à nouveau outre-Atlantique pour son vingt-cinquième album. C’est à Nashville et au studio Ocean Way (refuge précédemment hanté par Willie Nelson, Dolly Parton ou The Raconteurs) que le loner a élu domicile. “Bizarrement, je n’ai jamais été un grand fan de countrymusic, explique-t-il. Mais ça fait une bonne dizaine d’années que j’avais cette envie-là : enregistrer à Nashville.” Il ne faut ainsi pas voir dans cette délocalisation une quelconque envie d’aller taquiner la mythologie country mais plutôt une envie d’ailleurs – de Steve Earle à Dylan, la ville est aussi un étonnant refuge d’outcasts, de nomades – elle est surtout une aventure humaine : solitaire militant, Jean-Louis Murat aime pourtant à s’entourer, et a donc tout naturellement convoqué une brochette de musiciens du coin (les guitaristes Dan Dugmore et Ilya Toshinskiy, la choriste Cherie Oakley).
Transposée à la terre échaudée du Tennessee, la veine lyrique du chanteur prend ici une ampleur toute nouvelle : Murat évite les écueils d’une production rutilante et aseptisée, réussissant le tour de force de mêler à la poussière et à la sueur ses envolées poétiques (“Au loin la lune est enfin levée/Chacun devra souffrir la mort/ Morne province morne Mont d’Or/Une dernière pluie vient nous murmurer/ On n’aime plus d’amour”). Car Le Cours ordinaire des choses n’a d’ordinaire que son titre, chaque morceau développant une âme propre, épaulée par des arrangements flirtant ici avec le rock wasp (Comme un incendie), là avec des tribulations pop (M maudit), ailleurs avec des distorsions western (Comme un cowboy à l’âme fresh). “Chanter est ma façon d’errer”, lance Murat, qui bringuebale aujourd’hui, sans rien abandonner en chemin, son barda de spleen sur onze chansons bercées de souvenirs (Ginette Ramade) voire de nostalgie (Lady of Orcival), toutes portées par un vent chaud et humide.(Inrocks)
Si vous vous dites d'emblée, comme on l'a d'abord fait, « encore un Murat », habitués que nous sommes à l'intensité de sa production discographique, révisez vos tablettes : un an et demi s'est écoulé depuis Tristan, son album précédent. Voilà même une paye que le prolifique chanteur n'avait à ce point pris son temps, et cela s'entend : tout ici est soigné, les mélodies raffinées et les textes précis. Est-ce parce que l'Auvergnat est parti, comme pour Mustango, enregistrer aux Etats-Unis, à Nashville cette fois, avec une batterie de musiciens aux CV interminables ? L'ensemble, irrigué de violons et de steel guitars, sonne en tout cas très américain, avec ici et là des échos de blues ou de country plus prononcé encore qu'à l'accoutumée. Hélas, la force du chant fait, du coup, parfois les frais de cette sophistication : la voix douce et veloutée peine à émerger, elle semble lointaine, presque synthétique, parfois inaccessible. Elle nous laisse à la porte de plusieurs textes. Certains risquent donc de rebrousser chemin avant la fin du disque. Ce serait idiot : les deux derniers morceaux sont les plus beaux, amples, sensuels et entêtants, comme Murat sait si bien les faire, à Nashville ou ailleurs. (Télérama)
Dix ans après l'album "Mustango", Jean-Louis Murat retourne enregistrer un album dans son Amérique rêvée. Mais, là où pour le disque précédent il s'était entouré de musiciens ayant une crédibilité plus ou moins "indie" (Calexico et Jennifer Charles d'Elysian Fields), il décide aujourd'hui de s'entourer de véritables requins de studio "made in USA". Après Tucson, direction Nashville, donc. Le parallèle avec l'excellent et regretté Bashung est dès lors difficile à éviter. Comme Jean-Louis, Alain a aussi enregistré en son temps un album dans une grande capitale de la musique américaine : Memphis. "Osez Joséphine"/"Le Cours ordinaire...", même combat ? Il n'est pas interdit de le penser.Effectivement, côté "réserves", on retrouve dans les deux albums les mêmes travers d'une production très mainstream "à l'américaine" (soli de guitare un peu trop musclés, inévitable pedal steel, etc.). Cependant, comme pour Bashung, ça marche ! Enfin, sur la plupart des titres. Il faut pouvoir, dans un premier temps, faire l'impasse sur quelques morceaux bluesy un peu trop gras (l'Auvergnat se revendique maintenant fan de... ZZ Top !). En témoignent les trop burnés "Comme un incendie" (au texte "colérique" un peu hors de propos, par ailleurs) ou "M Maudit" (référence à l'anti-héros du chef-d'oeuvre de Fritz Lang ?). Pour le reste, on navigue entre le bon (si on fait l'impasse sur les choeurs un peu "has been" de Cherie Oakley, chanteuse recrutée sur place) et le très bon. En effet, comme dans les quelques albums mineurs de Bob Dylan ou de Neil Young (deux des idoles absolues du chanteur), c'est à l'auditeur de faire le tri pour ainsi récolter les quelques pépites habituelles. Ici, les merveilles cachées sont en fin d'album : "La Mésange bleue" et "Taïga". Enfin, comme pour nous dire qu'il ne faut de toute façon pas s'attendre à un disque intouchable, Murat gratifie son album, comme à l'accoutumée, d'une chanson il faut bien le dire comique et au titre assez improbable : "Comme un cow-boy à l'âme fresh" (sur le plan musical, une sorte de pastiche des Pogues à l'efficacité mélodique assez redoutable). Preuve que notre homme a de l'humour !Ceci étant dit, après une vingtaine d'années de carrière, on est en droit d'attendre de Murat qu'il se remette un peu en question. A l'image du Bashung dernière période, on aimerait sentir chez l'Auvergnat plus d'"Imprudence", en somme. (popnews

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le 5 avr. 2022

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