Jusqu'à il y a encore deux mois dans le jadis, je méprisais la Bulgarie. Le souvenir cuisant d'un but inscrit à l'ultime seconde venait sans cesse me rappeler la fourberie des gens issus de cette contrée, de même que ce mois de novembre qui éprouva pour toujours mon cœur d'enfant. Ainsi jamais je n'eus la chance de voir mon Jean-Pierre papiner dans le nouveau monde pas plus que je n'eus l'occasion d'admirer Canto asséner des grands coups de tatane dans la tronche des outratlanticains. Et tout cela à cause d'un seul homme, un petit bulgare vicieux : Emil Kostadinov. Ma rancune était éternelle croyais-je.


Puis un jour, il y a de cela deux mois dans le naguère, j'accordais mon pardon. La faute à ce disque : Marcel Cellier présente Le Mystère Des Voix Bulgares, curiosité sortie au beau milieu des années soixante-dix qui me permit enfin d'admettre les bulgares dans la catégorie des êtres humains comme les autres. Des bien beaux êtres humains par ailleurs, capables de foudroyantes beautés.


Les morceaux figurant sur cet album sont l’émanation d'une tradition séculaire transmise de générations en générations, les vignettes d'une vie agreste, une vie simple, en Thrace et ailleurs. Ce sont des chansons de semailles et de moissons (Mir Stanke Le, Polegnala E Pschenitza) chantés par célébration et superstition, ou encore pour se donner du cœur à l'ouvrage. Ce sont des chants que l'on pousse les soirs de veillée pour communier et se recueillir (Kalimankou Denkou), des chants pour s'aimer, et des chants pour danser (Polegnala E Todora, Brei Yvane).


Sur un site bien connu des amateurs de musique (RateYourMusic pour ne pas le nommer), un intervenant décrit la mystérieuse expérience en ces termes : "Simultanément étranger et familier, comme une étreinte provenant de la mère de quelqu'un d'autre." Le formule est plutôt bien trouvée, et je pense même pouvoir expliquer en partie la raison d'un tel sentiment.


Comme vous le savez peut-être, j'aime infiniment les chants grégoriens, et par extension, tout ce que l'on qualifie communément de "musique sacrée" ou encore de "musique spirituelle" -- A cet égard, les répertoires de L-F Céline Dion ou encore de Babara Streisand n'ont par exemple aucun secret pour moi -- Or, on retrouve précisément beaucoup de la puissance et de la pureté de ces musiques de l'âme dans ces chants bulgares, d'où ce sentiment d'immédiate familiarité.


Mais il vient s'adjoindre à tout cela quelque chose d'autre, un élément assez... oriental disons (rappelons que la Turquie n'est pas loin). Comme s'il s'était produit une sorte de syncrétisme musical du aux influences combinées des arts islamiques et des arts chrétiens au fil des siècles. "Pilentze Pee" et "Kalimankou Denkou" font partie des exemples les plus frappants en la matière. Pour un peu l'on croirait presque entendre des sortes de chants grégoriens scandés à la manière d'un muezzin parfois, le tout effectué de manière très harmonieuse, très naturelle. Cela nous offre une musique fascinante et envoûtante, à la fois d'une très grande puissance, d'une très grande profondeur, mais également pleine de mystère et d'étrangeté à la première écoute.


Je ne saurais trop vous conseiller d'écouter au moins une fois cette musique céleste, cette musique humaine jusqu'à l'os et belle jusqu'au pleur. Vous inviter à goûter de son intensité, à tâter de son immensité.


C'est une musique à nulle autre pareille.


C'est un trésor de l'humanité.


Kalimankou Denkou


Mir Stanke Le

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le 4 févr. 2016

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