Lento
7.6
Lento

Album de Youn Sun Nah (2013)

Youn Sun Nah a vécu une vie paisible et heureuse en Corée du Sud, son pays natal, jusqu’à ce que le destin s’en mêle sous la forme d’un concours de chant organisé par l’Ambassade de France, qu’elle gagne, à sa grande surprise. Il faut dire que le chant et la musique emplissent déjà sa vie, son père est chef de chœur et sa mère chanteuse, elle décide donc de profiter de l’opportunité qui lui est offerte, se risquer dans l’aventure d’un grand voyage et passer un an en France pour y apprendre le français.
Depuis elle passe son temps entre son pays et la vieille Europe qu’elle a su conquérir grâce à la pureté et au timbre unique de sa voix qui véhicule une émotion toute en retenue et en délicatesse. Elle possède une immense technique vocale qu’elle utilise avec une maîtrise parfaite au service des chansons et des textes.
« Lento » est le troisième album d’une trilogie enregistrée pour la compagnie allemande Act, il succède à « Voyage » sorti en 2009 et à « Same girl » paru l’année suivante. Pour ce dernier on préfèrera l’édition limitée qui propose une superbe version vidéo de « My favourite thing », le standard que John Coltrane a tant décortiqué, ainsi qu’une interprétation d’ « Avec le temps » de Léo Ferré qui constitue un incontournable de ses concerts, même en dehors de nos frontières.


On retrouve dans « Lento » le charme des albums précédents, les ingrédients qui les composent sont toujours présents, certes le jazz reste le commun dénominateur de l’album mais décliné de façon diverse, il intègre des sonorités venues des quatre coins de la planète musique : un thème de Scriabin côtoie un titre de Nine Inch Nails et une reprise country voisine avec un air folklorique Coréen… On entend également l’influence de Johnny Cash dans le répertoire, « Hurt » et «Ghost riders in the sky » ont en effet été interprétés autrefois par « the Man in Black ».


Se réunissent à nouveau les accompagnateurs présents sur l’album précédent. En premier lieu le Suédois Ulf Wakenius, l’ancien guitariste d’Oscar Peterson. Son jeu économe et précis complète à merveille la voix sincère et touchante de Youn Sun Nah. Il emmène avec lui l’une de ses compositions qu’il a dédié à la Diva, « Momento Magico », aux influences brésiliennes. La pièce est toute en virtuosité, en volutes aériennes auxquelles s’accroche la voix, dans une ascension folle et intrépide.
Est présent également un autre Suédois, Lars Danielsson, bassiste et violoncelliste. Complice de son ami Ulf, il sculpte lui aussi le silence, offrant un accompagnement souvent minimaliste mais sûr, comme sur « Soundless Bye » une composition de Youn Sun Nah. Il peut également se montrer lyrique quand il instaure un dialogue violoncelle/guitare sur « Waiting » qu’il cosigne avec la chanteuse. Le percussionniste Xavier Desandre-Navarre assure un drumming riche et varié avec une infinie finesse.


L’invité de cet album c’est la nouvelle étoile montante du jazz français, Vincent Peirani, accordéoniste de son état. Son apport est essentiel à la couleur de cet album, particulièrement sur « Lament», les sons surgis des soufflets de l’accordéon se gonflent en une lente montée inexorable, la voix de Youn Sun Nah est soulevée et emportée pendant toute la durée de la pièce… Vincent signe également deux beaux titres, le tendre « Empty dream » ainsi que « Full circle », aux accents assez vintage, dont Youn Sun Nah a écrit les paroles.


L’album ignore les moments faibles et cumule les titres forts. Le premier titre « Lento », créé d’après un prélude de Scriabin, nous plonge d’emblée dans une atmosphère chaude et intime, ouvrant un livre aux mille facettes. L’interprétation de « Hurt », composé par Nine Inch Nail, est tout simplement sublime. La voix véhicule une très forte émotion et bouleverse, la maîtrise de la technique vocale ne peut expliquer à elle seule l’effet atteint, ou bien alors est-ce le choix d’effectuer les enregistrements en une seule prise pour garder intact la fraîcheur de l’interprétation ? La première prise est la seule où les musiciens doivent jouer tout en s’écoutant les uns les autres avec la plus grande concentration, ne pouvant anticiper sur le rendu global. Quoiqu’il en soit ce duo voix/guitare, pur et sincère est une pure merveille où chaque note jouée pèse son poids !


L’envoutant « New Dawn » termine l’album, nous emmenant une dernière fois dans une ballade nostalgique aux accents du violoncelle, des tambours effleurés et d’une voix habitée, chargée des accents millénaires de la folk music.


Un nouveau coup de maître pour Youn Sun Nah, il est à noter que pour la première fois dans la discographie de l’artiste, il est possible d’acquérir l’album en vinyle, format préféré par de nombreux mélomanes.

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le 2 mars 2016

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