Bonjour, bonjour, comment ça va ti ?
Bien ? Cool, j’en suis fort aise.
Bah pour moi aussi ça peut aller.
J’ai eu mon lot de merdouilles bien sûr dont je ne dirais trop ici. Et puis quand même de chouettes trucs. En fait dans les deux cas ma vie se passe toujours à deux cents à l’heure que je ne peux pas forcément (avoir envie de) tout relater sur les réseaux sociaux et SC en est un même si sa configuration ne permet hélas pas de partager les petits instants présents comme le font déjà Facebook et Instagram.
M’enfin toujours est-il que dernièrement j’ai renoué avec le Canada et plus particulièrement le Québec où j’étais déjà allé, pile poil d’ailleurs il y a 10 ans dans la belle ville francophone de Montréal. L’occasion de renouer avec la scène locale et prendre le pouls musical de l’endroit comme je l’avais fait il y a une décennie. A cette occasion j’avais à la fois découvert de nouveaux artistes (Le couleur – si, si l’orthographe est volontaire) comme des anciens (ce moment où tu complètes ta collection de disques – racheter du Mike Oldfield ou King Crimson au Canada, je coche la case « ça c’est fait ») et d’autres choses très nettes dans un genre bien précis (comme la découverte d’Harmonium, fleuron du rock progressif de La Belle Province).
Ce fut le cas encore cette fois-ci, ce qui m’amène du coup à vous parler du disque de Viviane Audet.
Funfact, je cherchais initialement le disque de Maude Audet, « Il faut partir maintenant » sorti également en 2023 (aucun lien de parenté entre Maude et Viviane d’ailleurs). Et de fil en aiguille avec le vendeur qui ne l’avait pas (1), je suis tombé, via un détour par l’album d’une harpiste qui joue justement aussi sur ce disque, sur le disque de Viviane donc, au titre aussi étrange que beau (étrange car beau ou beau car étrange, c’est selon), « Les nuits avancent comme des camions blindés sur les filles ». Waouh. Et cette pochette belle et sobre en noir et blanc (2). J’étais attiré d’office et mon instinct me disait qu’également sur le plan musical ça devait être pas dégueu non plus.
Et c’est justement une très bonne surprise.
Le disque oscille entre folk, chanson francophone et musique classique contemporaine.
Multi-instrumentiste à la base dans le groupe indie Mentana, Vivianne Audet n’en est pas à son coup d’essai en solo puisque c’est déjà son 4e disque. Ici elle joue à la fois de la guitare et du piano tout en chantant et s’entoure d’une vaste et alléchante configuration qui comprend également d’autres claviers, d’autres guitares (il y a de la guitare classique, électrique, acoustique, baryton…), de l’harmonium (HEY HEY !), de la harpe (la merveilleuse Evelyne Grégoire-Rousseau qui a également sorti un album sous son nom, vraiment très bien, faudrait que j’en parle aussi), du violoncelle, de la batterie, de la basse, des chœurs…
Porté par 10 compositions avec 3 instrumentaux (Anthèse no. 1, 2, 3 (3)) qui évoquent tour à tour aussi bien Erik Satie que Ravel voire même Ludovico Einaudi, l’album fascine de bout en bout, et ce dès la première piste au texte énigmatique… à première vue seulement.
Car cette première piste, « La botanique » (4), s’éclaire aussi bien au contact des paroles et de la musique que de son clip, terriblement mélancolique et beau, hommage à l’automne qui évoque en fait en filigrane le drame de nombreuses femmes battues comme le révèle le carton à la toute fin. Et la révélation de faire sens tout à coup face à cette alliance de tous les éléments, sonores, textuels, visuels pour évoquer la résistance, la résilience, les regrets comme l’espoir. Brillant.
A l’image de tout l’album.
Et moi de penser par exemple à la musique du regretté Alain Bashung où l’on ne comprend pas forcément tout mais où la puissance d’évocation poétique, les jeux de mots et le vocabulaire sans oublier la musique, sont amplement riches pour que l’humain s’y accroche avec une générosité qui laisse pantois.
Après une seconde piste complètement pop-folk stylisée aux accents electro qui donne son titre à l’album et doté d’un clip à néons à faire pâlir d’envie un Bertrand Mandico (5), on passe par un instrumental magique puis les douceurs folk bienfaisantes des louves et de Sibylline, marquées de la harpe de Evelyne Grégoire-Rousseau (6). Et à nouveau des textes qui font partir, à décortiquer, secrets, qui nous emmènent loin. Au passage vous saviez que le Sambal Oelek (7) était un piment assez fort ? On en apprend tout le temps avec cet album dont la piste 7 y fait référence en passant. Plus loin c’est la sobriété belle de la chorégraphie du duo homme & femme de Tu peux tomber sur des paroles qui évoquent autant la mortalité que le sens que l’on donne à nos vies qui nous touche. Enfin Mer Grand évoque cette grand-mère dorénavant partie et qui nous remuait plus que le souvenir et le cœur (8). Surtout que le visuel se dote d’images tournées en plus en famille dans le milieu des années 70.
Et je pense qu’au final si justement l’album de Viviane Audet se hisse très haut c’est justement parce qu’il se présente telle la vérité nue à nous, fruit d’un travail profond, fouillé et sincère, doté d’une part d’authenticité et d’humanité chère à son autrice comme une grosse part d’elle-même qu’elle nous tend dans le creux des mains.
Et ça mes amis, voyez-vous, c’est inestimable.
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(1) Quelque part le hasard fait bien les choses parce que j’ai eu le temps d’écouter le disque en ligne par la suite, c’est du bon boulot mais il ne me prend curieusement pas autant au cœur que l’autre. En fait le problème du Maude Audet, avis très subjectif bien sûr, c’est probablement d’être « trop » bien. Au sens où trop bien arrangé, trop bien écrit, peut-être trop bien construit musicalement. Les pistes s’enchaînent comme dans du beurre, peut-être trop vite, avec ses influences à la pop des années 60. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit (ou écrit plutôt) attention, c’est un bon disque (très bon même) mais du coup le produit fini est juste « trop » pour que je puisse y adhérer pleinement sans réserve. Difficile d’expliquer ce ressenti. Avec le recul j’ajouterais même que les différents morceaux sont souvent trop proches les uns des autres, aucune cassure ou changement harmonique ne vient briser un peu tout ça, et que du coup une certaine lassitude naît en moi au milieu de l’album. Mais bon j’ai conscience d’être un peu trop élitiste en ce sens et puis y’a des trucs vraiment magnifiques là-dessus quand même. Tenez, écoutez moi cette composition nommée « L’envol » : https://www.youtube.com/watch?v=uNn7LFpEdx8
(2) Allez, meilleure pochette de disque de 2023 et 2024 ? Facile, oui les doigts dans le nez.
(3) Ce qui est étonnant c’est que l’Anthèse se définit comme la période de floraison d’une plante où grosso-modo elle s’ouvre pour la pollinisation et le premier titre de l’album s’appelle « la botanique » et si vous lisez ce que j’en ai dit plus bas il y a donc une sorte de contraste inconscient (je doute que l’auditeur fasse des recherches d’emblée comme moi à l’écoute du disque) qui est créé, le tout sous l’égide du monde des plantes qui parcourt comme une thématique secrète tout l’album.
(4) A voir et savourer ici : https://www.youtube.com/watch?v=q4FN2FvXuck
(5) En plus y’a un ring de boxe et une ambiance 80’s, que demande le peuple ? : https://www.youtube.com/watch?v=1toM0LoLUvA
(6) Pour la Sybille, c’est par ici : https://www.youtube.com/watch?v=DtFxRdbmNpY
(7) Aye aye : https://marcwiner.com/sambal-oelek/
(8) Le clip est magnifique à nouveau donc je vous le met, c’est cadeau : https://www.youtube.com/watch?v=WWHMmXYUKWs