Alcest nous avait laissé en 2010 avec Écailles de Lune un souvenir mémorable. L'album changeait de Souvenirs d'un autre monde tout en étant cohérent et en proposant une ambiance à mi-chemin entre le post-rock et le black metal. C'est donc avec une certaine impatience que son successeur était attendu. La pochette dévoilée était sublime, le single, « Autre Temps », faisait déjà sentir un parfum envoûtant nous menant une nouvelle fois dans un autre monde, puis... Puis... L'album est sorti et un débat s'est installé autour de ce projet. Alcest ne saurait-il faire que du Alcest ?

La question peut sembler paradoxale et pourtant c'est bel et bien ce qui ressort de l'écoute de ce troisième album. Les voyages de l'âme mélange post-rock, shoegaze et black metal avec brio et va encore plus loin dans le brassage de styles. A l'image d'un « Faiseurs de mondes », on ne sait plus où donner de la tête entre ses couplets à la voix death étouffée par les guitares, ses refrains en parfaite illustration du style shoegaze. Autre problème, le morceau ne décolle pas. Il faut attendre les 3 minutes et le break ambiant puis folk pour enfin s'extasier devant la beauté de la guitare et ce mélange toujours aussi fou où les passages lumineux sont couplés aux blasts beats destructeurs de la batterie.

Si me je suis arrêté un peu longuement sur ce morceau, c'est bel et bien parce qu'il résume en grande partie Les voyages de l'âme. L'album oscille entre des morceaux excellents (« Autre Temps », « Les voyages de l'âme » et « Being of Light ») et d'autres plus étranges, moins bien construits, moins entraînants (« Faiseurs de mondes » et « Summer's Glory »). Paradoxalement, ce sont ces morceaux qui sortent des sentiers battus. Alors la question reste entière, Alcest sait-il se renouveler ?

Car quand il s'agit de nous faire voyager, de créer une ambiance unique, il n'y a aucun soucis. Les premières notes d'« Autre Temps » nous emportent, le rythme est excellent, le refrain sublime, le passage aérien divin et la voix envoutante. On pourrait dire la même chose du morceau éponyme qui possède des lignes vocales et un texte sublimes. Alcest hypnotise et mélange parfaitement bien les moments où la guitare lâche quelques magnifiques mélodies couplées d'une reverb (i.e. un effet d'écho) et ceux où on retrouve des guitares saturées. « Summer's Light » en est un parfait exemple avec sa longue montée en puissance grâce au duo guitare-batterie.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, on distingue presque un aspect plus aventureux voir épique dans ce disque. Deux morceaux illustrent bien cela : « Là où Naissent les Couleurs Nouvelles » et « Faiseurs de Mondes ». Le premier est une véritable réussite avec une construction en deux temps bien ficelée, le refrain est tout aussi sublime que le final. On notera aussi un passage avec la voix écorchée de Neige vraiment réussi. Le morceau est varié et rempli son contrat. Le cas est moins vrai pour l'autre comme nous l'avons vu. D'ailleurs, dans les morceaux moins convaincants, il faut aussi parler de « Summer's Glory » : plus rock, mais qui n'arrive pas à enchanter autant que les morceaux de la première partie du disque.

Côté son, là il n'y a rien à redire. Tous les instruments sont audibles, les guitares sonnent particulièrement bien, la batterie apporte du punch à de nombreux morceaux. On constate un indéniable progrès à ce niveau là. Les sons sont plus riches, ce qui n'est pas du luxe lorsque l'on voit la complexité des textures et des arrangements de l'album. Cette profondeur apporte un véritable plus à l'écoute.

Les voyages de l'âme est donc un très bel album. Les cinq premiers morceaux sont magnifiques, envoûtants et les trois autres plus anecdotiques. Cependant, le paradoxe reste entier. Si Alcest sait si bien mélanger les styles, il reste engoncé dans son univers, celui qu'il a créé et a du mal à en sortir. Alors, l'album est beau et fait fortement penser à Souvenirs d'un Autre Monde ou Écailles de Lune. En soit ce n'est pas un véritable défaut. Il en ressort un sentiment mitigé entre l'envie d'adorer un album aux mélodies sublimes et celui de le critiquer pour cette impression de déjà-vu. Cruel dilemme !
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le 15 févr. 2012

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