Levitation
7.4
Levitation

Album de Hawkwind (1980)

Bien qu’amateur d’Hawkwind depuis de nombreuses années, ce n’est que relativement récemment que je pris connaissance de l’existence de ce Levitation, il m’était passé complètement sous les radars (et, dommage pour moi j’ai envie de dire).


Sorti en 1980, le groupe ici, comme une symbolique inhérente à ce changement de décennie, prend une tournure différente, et opte pour quelque chose de moins expérimentale et de moins psychédélique, se tournant vers une science-fiction plus contemporaine, se traduisant par une sonorité plus métallique, avec à la fois des guitares bien plus incisives, proches du heavy-metal, et des sonorités de claviers et de synthétiseurs bien plus modernes.


En définitive, Hawkwind jusque là n’a jamais sonné aussi « rock ».


La raison de ce changement si brutal ? Oh elle est simple. Encore une question de line-up. Je vous passerai les détails, car les années qui ont précédé la sortie de ce Levitation, c’est un bordel sans nom, c’est une vraie auberge espagnole, y en a qui partent, d’autres qui arrivent, d’autres qui reviennent, qui repartent pour mieux revenir … Même le nom change à un moment donné, sans qu’on sache clairement pourquoi (« Hawklords ». Probablement des conflits de droits d’auteur ou des trucs du genre). Bref, on est un peu largué et on va pas trop s’attarder là-dessus.


Et ce(t énième) changement, qu’en est-il. Alors, outre bien évidemment le leader Dave Brock à la guitare et au chant, on trouve ici Harvey Bainbridge à la basse, Tim Blake (anciennement de chez Gong) aux synthétiseurs, Hew Lloyd-Langton à la guitare lead (son retour dans le groupe 10 ans après) et le fantastique Ginger Baker à la batterie. Et toutes ces nouvelles arrivées (à part peut-être Bainbridge qui, bien qu’étant un bassiste très correct, ne révolutionne fondamentalement pas grand-chose ici) vont considérablement augmenter la qualité instrumentale (et du coup, technique) du groupe …


… bien que les musiciens qui les ont précédés n’étaient pas mauvais, bien au contraire, mais avec ces arrivées là, Hawkwind gagne en professionnalisme, c’est indéniable. Ginger Baker, c’est bien évidemment supérieur à Simon King, Tim Blake, c’est un peu plus virtuose et aventureux que Simon House, et même Lloyd-Langton, lui, poutre LARGEMENT Dave Brock sur les solos, c’est le jour et la nuit.


Alors que la pratique instrumentale de l’ancien Hawkwind, c’était bien plus à l’arrache, non conventionnel et plus sauvage (ne pas oublier que c’était Lemmy leur ancien bassiste).


En tout cas, on peut féliciter Dave Brock d’avoir réaliser ce mercato particulièrement réussi.


Et musicalement, ça donne quoi tout ça ? Est-ce à la hauteur de ces attentes ? Globalement, oui.


L'album ouvre sur le morceau éponyme (encore ! Mais c’est une manie!) avec toujours cette rythmique de guitare très métronomique typique. Et là, tout de suite, plusieurs choses sautent aux yeux (ou aux oreilles, plutôt dans ce cas) : Ginger Baker - rappelons-le, ancien batteur de Cream - est comme un poisson dans l’eau. La légende raconte qu’il aurait enregistré tout l’album en deux jours sans avoir écouté les morceaux en préalable ; en définitive, tout ce qu’on entend de lui ici serait complètement improvisé. Fantastique. Deuxième chose, c’est Lloyd-Langton, lui aussi, qui se balade allègrement, nous plaçant des petits soli, des petits leaks et des petits leads avec cette petite touche très subtile, avec une facilité et une aisance déconcertantes, permettant à la fois de sublimer les compositions de Dave Brock, et de par sa présence reléguer ce dernier à la seule guitare rythmique dont on se rend compte que c’est là où il est excelle le mieux. + le chant bien entendu.


Et je vais vous dire, ce morceau est fantastique car il est très entraînant. Les variations sont présentes mais restent modérées. Le passage instrumental central est pour le coup, un vrai passage instrumental, bien défini, avec plusieurs soli de guitare et de claviers qui se répondent, sur une base rythmique qui fait bien hocher la tête. Brock et Bainbridge se permettent même d’envoyer des espèces de respirations rythmées durant cette phase, lui conférant une sorte de transe guerrière assez inhabituelle. Hawkwind à ce moment là n’a jamais sonné aussi heavy ! J’adore ce morceau ! Je ne m’en lasse pas !


Ginger Baker continue de tartiner dans tous les sens, avec ce touché feutré si caractéristique, le clavier et la guitare lead se balancent une variation à l’unisson avant de laisser tout le monde finalement revenir sur le couplet final.


Putain, oui.


Meilleur morceau de l’univers.


Motorway City enchaîne. C’est un titre plutôt enchanteur, bucolique, un peu naïf même, avec une rythmique très carrée, très binaire, sur un rythme un peu plus lent que le morceau précédent. Le morceau en lui-même n’est pas exceptionnel mais, comme sur le morceau d’ouverture, est magnifié par les interventions de Lloyg-Langton et les textures sonores de Tim Blake, et je trouve que ces éléments font une belle transition entre l’ancien et le nouveau Hawkwind. Le refrain est quant à lui très accrocheur, ce morceau deviendra un classique en concert, surtout ces dernières années.


Après ces deux premières pistes très encourageantes et fédératrices, on a à faire là avec les trois pistes suivantes à un choix artistique plutôt curieux : deux interludes atmosphériques, scindées en deux par une piste instrumentale plutôt anecdotique, Psychosis, World Of Tiers et Prelude, qui je trouve n’apportent rien de particulier et qui au contraire viennent un peu casser le rythme d’un album qui partait pourtant bien, mouais. Une seule aurait largement suffit.


Et l’album ne reprend véritablement qu’à partir de Who’s Gonna Win The War, dans un style semi-ballade à tempo lent, la guitare expressive de Lloyd-Langton toujours en fond, jamais rassasiée, nous offrant d’ailleurs des jolis soli harmonisés sur la partie centrale. Morceau de bonne facture malgré une rythmique un peu banale.


Ça enchaîne sur Space Chase, et autre curiosité d’agencement de tracklist, une nouvelle piste instrumentale, mais qui est quant à elle une vraie piste instrumentale, en l’occurrence très énergique. Ça envoie des zigouigouis électroniques en introduction avant de partir pleine balle dans une course effrénée à travers le cosmos, se renvoyant des salves de soli entre guitares et synthétiseurs avant de réamorcer le thème à l’unisson. Morceau très heavy, très efficace, fidèle à la thématique j’ai envie de dire, nickel.


Mais voilà, ça dure à peine 3 minutes et ce rythme si enivrant qui nous émoustille tant se dégonfle à nouveau avec The 5th Second Of Forever, qui s’ouvre sur une introduction à la guitare acoustique, très jolie au demeurant, avant d’enchaîner PLEINE BALLE sur une rythmique qui sort de nulle part mais pour mieux se barrer aussitôt.



Mouais. C’était expédié un peu vite.


Dust Of Time clôture l’album. Morceau mid-tempo, similaire à Who’s Gonna Win The War et Motorway City, magnifié encore une fois par les belles interventions envoûtantes à la guitare solo. Ce morceau ne possède pas de refrain mais possède un pattern à plusieurs modulations avec unisson qui est particulièrement réussi. La partie instrumentale qui s’en suit est de bonne facture, même si je trouve que les claviers prennent beaucoup de place dans le spectre sonore. Dernier tour de piste avec la reprise du thème principal, et l’album se conclut là-dessus.


En définitive, et je me dois d’être honnête, Levitation est un bon album, mais ç’aurait du être un excellent album ; beaucoup de choix hasardeux dans le choix des morceaux, et dans l’agencement de la tracklist, des cassures de rythme, des choix d’arrangements discutables à certaines endroits … C’est regrettable car l’atmosphère dégagée y est vraiment particulière, assez fantaisiste, cet album a une forte identité mais est un peu gâchée par des choix bizarres. La première piste est excellente, mais le reste de l’album n’a pas pu suivre qualitativement, c’est dommage.


C’est regrettable aussi dans le sens où, sans trop de surprises, ce line-up ne durera pas. Le temps d’un album et d’une tournée (d’ailleurs je vous conseille d’écouter les bootlegs issus de celle-ci, l’interprétation de certains vieux classiques sont vraiment exceptionnels. Notamment ce « Brainstorm »survitaminé qui en met plein le museau), Harvey Bainbridge et Ginger Baker se prendront la tête ; en effet, ce dernier considérait Bainbridge comme un instrumentiste « médiocre » (faut dire que Ginger Baker avait réputation d’avoir un caractère merdique) et a fini par quitter le navire. Tout comme Tim Blake, qui quitta le groupe pour s’adonner à d’autres projets.


« Levitation » en tout cas, restera comme une parenthèse étrange dans la discographie du groupe, à cheval entre les résidus du rock-psychédélique des années précédentes et du heavy-metal moderne naissant avec des instrumentistes de très (trop?) grande qualité, qui donnera cet album de très bonne facture mais malheureusement un peu trop inégal.

lépagneul
7
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le 9 janv. 2022

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