La musique de Lianne La Havas a toujours été dotée d'un charme irrésistible, que la chanteuse s'illustre sur des compositions acoustiques ou sur les productions plus poussées et méticuleusement réalisées de son second album, Blood. Lianne La Havas continue sur cette lancée et reste fidèle à la neo-soul solaire de la musicienne anglaise, mais dans un décor qui se veut cependant plus épuré pour révéler un cœur plus brut et plus fort.
Sur son troisième opus éponyme, Lianne La Havas livre le type de disque qui semble inévitable dans la carrière d'une artiste qui se livre à cœur ouvert dans sa musique : celui qui relate une relation du début à la fin, de la première rencontre à la séparation, de l'excitation de ressentir quelque chose d'aussi fort et d'aussi bon pour une personne ("Read My Mind") à la douleur de se rendre compte que cette relation ne fonctionne pas et ne peut pas perdurer ("Paper Thin", "Please Don't Make Me Cry"), du plaisir procuré par la présence de cet amant ("Green Papaya") aux regrets qui viennent avec la solitude soudaine qui suit la fin d'une relation ("Courage"), de l'ivresse d'un amour incontrôlable ("Can't Fight") à ce moment où les leçons ont été tirées, la page tournée et la paix avec soi-même retrouvée ("Sour Flower"). Lianne La Havas nous raconte une histoire d'amour personnelle avec une simplicité et une honnêteté qui permettent à ces petits morceaux pleins de lumière de vraiment résonner chez l'auditeur.
Si Blood voyait l'artiste londonienne élargir sa palette musicale en proposant des compositions étoffées, Lianne La Havas révèle une production plus légère aux premiers abords, plus organique, donnant à sa neo-soul des airs plus folks, R&B et jazzy que pop. Les guitares retrouvent leur place prépondérante et dominent toutes les chansons de ce troisième album, qu'elles soient enjouées et accrocheuses ("Can't Fight", "Please Don't Make Me Cry"), délicates et séduisantes ("Green Papaya") ou imprégnées d'une fragilité et d'une vulnérabilité touchantes ("Paper Thin", "Courage"). La façon dont toutes les productions présentes sur cet album – à l'exception du grandiose "Bittersweet" qui l'ouvre – se concentrent et sont bâties autour de jeux de guitare permet d'appuyer sur la qualité des compositions de Lianne La Havas et d'accentuer ce sentiment d'intimité qui fait la force du disque. L'envie de la chanteuse de s'entourer de collaborateurs tels que Bruno Major ou Nick Hakim qui savent créer une atmosphère enivrante avec juste une partition de guitare n'heurte en aucun cas le plaisir procuré par cette œuvre musicale incroyablement chaleureuse.
La production a beau être excellente, la voix et la présence incroyables de Lianne La Havas sont principalement ce qui fait que ce disque irradie une beauté rare, émouvante et même réconfortante. Lianne La Havas, c'est le type d'album qui s'écoute aussi bien sous le soleil estival qui reignait quand il est sorti que dans la froideur d'une fin de journée hivernale où l'on se dépêche de rentrer chez soi. C'est une petite tranche de vie et d'amour qui fait beaucoup de bien et dont les détails subtiles la rendent encore plus excitante à écouter. C'est comme un rayon de soleil après une averse, ce moment où l'alégresse nous regagne doucement et que l'on prend le temps de contempler la tempête qui vient de passer, sans rancœur et sans douleur. C'est une petite pépite, musicalement somptueuse mais subtile.
Et avant de finir cette critique, il me semble nécessaire de préciser qu'il y a aussi une reprise fantastique de "Weird Fishes" de Radiohead – probablement la meilleure reprise de 2020 – qui a elle seule mérite l'écoute complète de ce troisième opus magistral de Lianne La Havas.
Score : 8.4
Key tracks : "Bittersweet", "Weird Fishes", "Green Papaya".