Il s’en est passé des choses dans la vie personnelle et la carrière musicale de Nas entre le morceau ‘Life’s A Bitch’ présent sur son premier LP ‘Illmatic’ (1994) et la sortie de ce nouvel et 10ème album solo ‘Life Is Good’, une histoire riche construite sur des succès et des échecs que retrace ce nouveau projet tout le long des 14 morceaux qu’il contient. 4 ans sépare ce nouvel opus du dernier et controversé ‘Nigger’, jamais le rappeur du Queens nous aura fait patienter aussi longtemps entre 2 de ses LP, mais en allant chercher du côté de sa vie privé il est facile de comprendre le pourquoi de cette longue attente (et n’oublions surtout pas entre temps le fameux intermède ‘Distant Relatives’ en collaboration avec Damian Marley). Si la pression entourant les projets de Mr. Jones a toujours été grande, celle entourant son album N°10 reflète une attente particulière, en clair le contenu de ce ‘Life Is Good’ se devait d’être à la hauteur des espérances…
On rentre rapidement dans le vif du sujet avec ce ‘No-Introduction’ qui, servie par une prod de l’équipe J.U.S.T.I.C.E. League, y voit Nas revenir sur pas mal d’épreuves importantes de sa vie et notamment son mariage raté avec Kelis mais aussi la naissance de son fils Knight en pleine procédure de divorce lors de l’été 2009. Une période délicate de sa vie qu’il décrit longuement dans le dernier titre de ce projet ‘Bye Baby’ dans lequel il revient de façon chronologique sur les différentes étapes de sa relation avec sa désormais ex-femme. Ces dernières années qui lui auront appris plus sur lui-même que les 30 premières, comme le raconte le morceau ‘You Wouldn’t Understand’ sur un beat signé Buckwild avec au refrain Victoria Monet. Dans le single ‘Daughters’ Nas continue de se confier avec cette fois ci comme sujet principal son rôle de parent avec les erreurs et les craintes qui entourent l’éducation de sa fille de 18 ans Destiny.
Ce ‘Life Is Good’ c’est aussi une association très bien dosée de 2 beatmakers, Salaam Remi qui est depuis plus de 10 ans sur chaque album d’Esco, et No I.D. dont on attendait énormément de son travail avec Nas. Ces 2 artistes apportent exactement le genre d’ambiance que recherchait Nasir Jones pour ce projet, des productions samplées nous rappelant avec plaisir ce qui se faisait dans les années 90. Et il ne faut pas attendre longtemps pour être emballé, en début d’album les morceaux ‘Loco-Motive’ et ‘A Queens Story’ sont des réussites de haut vol qui nous confirment pourquoi Nas est toujours considéré comme l’un des meilleurs MCs du rap game. Avec un flow reboosté au max pour l’occasion, le Street’s Disciple absorbe et bonifie tout ce que lui servent Salaam Remi et No I.D, que ce soit ce ‘World’s An Addiction’ avec Anthony Hamilton ou ce jazzy ‘Stay’, sans oublier le nostalgique ‘Back When’ et le single ‘Nasty’ qui finira finalement comme simple bonus track.
L’autre réussite de cet album est de mélanger intelligemment des beats un peu plus posés avec d’autres beaucoup plus dynamiques comme cette collaboration entraînante ‘Accident Murderers’ avec un Rick Ross que j’ai rarement entendu avec un flow comme ça, on regrettera juste qu’il ne colle pas plus au thème dicté par Nas. Dans un autre genre le single ‘The Don’ permet aussi à Mr. Illmatic de se lâcher sur un beat produit en partie par le regretter Heavy D. Ce projet est aussi l’occasion pour Mary J. Blige et Nas de nous faire oublier le très regrettable ‘Braveheart Party’ qui sera même retiré sur demande de MJB des derniers pressages de l’album ‘Stillmatic’, cette fois ci on a droit avec ce ‘Reach Out’ à une excellente collaboration Rap/R&B (dans son sens le plus noble du terme) sur laquelle on retrouve la magie de Rodney Jerkins. Une autre grande dame de la musique est aussi à l’honneur sur cet album avec le morceau ‘Cherry Wine’, un duo avec Amy Winehouse qui nous rappel les meilleurs heures de la chanteuse Britannique.
Ai-je vraiment besoin de préciser que le morceau ‘Summer On Smash’ est de loin le titre avec lequel j’ai le moins d’affinité ? La prod de Swizz Beatz est loin d’être aussi atroce que le couplet de Miguel mais je n’ai tout simplement pas envie (contrairement à Def Jam apparemment) d’entendre ce genre de morceau sur un album de Nas, qui plus est celui là… Mis à part ce titre placé en milieu de projet le reste est cohérent, rythmé et surtout très agréable à écouter d’une traite, un retour gagnant pour le MC du Queens qui n’était pas joué d’avance. Pour conclure avec ce ‘Life Is Good’ Nas répond à la plupart des attentes de ses fans mais surtout beaucoup plus important, aux siennes. A l’image de la période 2001-2003 avec ses projets ‘Stillmatic’ (beef avec Jay-Z) et ‘God’s Son’ (mort de sa mère), il n’est jamais aussi bon quand il doit réaffirmer sa place dans le rap game et/ou se remettre d’une épreuve personnelle. Un album tout simplement excellent!
Les quelques mots de Nasir Jones présent dans le livret résume parfaitement son état d’esprit actuel et refermeront idéalement cette chronique: « Thank you love… Thank you hurt… Thank you fear… Thank you anger… Thank you happiness… Thank you death… Thank you life… ».