Avec Little Broken Hearts, Norah Jones signe, à 33 ans, son déjà cinquième album, preuve, s'il en est du talent de la jeune femme qui s'est fait connaître avec le tube planétaire Come Away With Me (2002) et qui a su se renouveler disque après disque. La chanteuse aux origines indiennes (son père, Ravi Shankar, est d'ailleurs un grand joueur de sitar Indien) et actrice occasionnelle (vous avez pu l'apercevoir dans My Blueberry Nights de Wong Kar-wai) a depuis 10 ans roulé sa bosse dans le monde musical. Multiple vainqueur de prix (entre autres : Grammy du meilleur album pop en 2003, Grammy de l'artiste révélation de l'année en 2003 toujours et Grammy de la chanson de l'année, en 2005, pour Here We Go Again), Norah Jones a également écoulé plus de 40 millions d'albums à travers le monde, faisant de la New-Yorkaise l'une des chanteuses les plus vendeuses et les plus influentes de son époque (The Time Magazine l'a même mentionné, en 2004, parmi les 100 personnes les plus influentes du monde) lui permettant d'enregistrer avec Ray Charles s'il vous plaît (pour Here We Go Again justement) ou Bob Dylan.

L'histoire voudra que c'est grâce à sa mère qui l'a élevé au Texas que la chanteuse serait tombée amoureuse du jazz, du blues et de la soul music. Autant de genres qui imprègnent le Sud des Etats-Unis et qui ont marqué plusieurs artistes qui y sont originaires dont les Alabama Shakes tout récemment. A l'aise derrière un piano (elle a gagné de nombreux prix), Norah revient dans la Big Apple, sa ville de naissance, en 1999, intègre le groupe de trip-hop Wax Poetic et signe sur le label Blue Note Records qui produit dès les années 50 un nombre impressionnant de musiciens jazz. Vous connaissez la suite de l'histoire, Come Away With Me, son premier album, sort dès 2002 propulsant la jeune starlette d'alors 23 ans en haut de l'affiche puisque l'album sera en tête des ventes aux quatre coins de la planète (Etats-Unis, Angleterre, Allemagne, Japon ou France...) et s'écoulera à plus de 25 millions d'exemplaires soit l'un des albums les plus vendus de tous les temps (le disque occupera également la 54ème place parmi les "100 meilleurs albums de la décennie 2000-2009", classement établi par le magazine Rolling Stone). Suivront trois autres albums durant les années 2000 qui, s'ils n'ont pas eu le même retour que son premier disque ont accru la notoriété de la chanteuse. Le jazz, le blues et la soul de Norah Jones font mouche auprès d'un large public acquis à la cause de la jolie Américaine, en témoigne les quatre tournées mondiales effectuées par cette dernière.

Se renouvelant à chaque album, Jones épure les genres, revisite les styles et n'hésite pas à nous surprendre. Pour son dernier disque, elle s'est d'ailleurs entourée de Danger Mouse (Brian Burton à l'état civil) dont nous avons parlé ici ou là. Le génial producteur, avec qui elle avait déjà collaboré sur l'excellent Rome de Danger Mouse & Daniele Luppi (notamment pour 3 Dreams of Black) est décidément sur tous les fronts. On vous avez présenté rapidement le personnage sur notre chronique d'Electric Guest en insistant sur le fait que lorsque Danger Mouse traîne quelque part, il apporte une plus-value non négligeable à un album ou à un groupe. Encore une fois, cette règle s'avère exacte. Brian Burton amène Norah Jones dans un autre registre même si, ne vous inquiétez pas, les influences jazzy et bluesy, signatures de cette dernière, restent toujours présentes.

Avec Little Broken Hearts, on retrouve toujours la voix sensuelle de Norah Jones. Cette voix superbe qui nous a fait chavirer 10 ans plus tôt et qui apporte de la douceur aux thèmes délicats abordés tels que les ruptures ou la vengeance, mélanges de fiction et de vécu. la Le piano se fait plus discret au profit des basses, guitares et percussions, la patte Danger Mouse en somme.

Comme elle l'avoue elle même, la direction « qu'a pris l'album a été un brin hasardeux puisque le liant n'est apparu qu'une fois les chansons terminées ». Good Morning, premier morceau de l'album annonce 11 autres titres. La chanson, malgré son titre, est plus vue comme une déchirure et un au revoir, à l'image de ces films qui commencent par la fin. Le ton est solennel, le piano discret et la guitare acoustique s'accorde très bien à la merveilleuse voix de Norah Jones, un morceau teinté de nostalgie qui nous renvoie aussitôt vers son premier disque. Say Goodbye, à l'excellent groove est directement sous influence des percussions de Danger Mouse puisque le morceau (cas unique sur l'album) a été enregistré avec pour seuls musiciens, la chanteuse et son producteur. Un des meilleurs morceaux de l'album. Au même titre que Little Broken Hearts qui traite de l'amour avec subtilité, un titre doux, moins groovy que Say Goobye mais plein de sens. Débute la balade She's 22, enregistrée initialement par Norah Jones avec sa seule guitare acoustique qui traite, une fois n'est pas coutume, d'une romance entre une jeune fille et un jeune homme qu'elle souhaite rendre amoureux. Le morceau se veut intime à l'image de son album, un bien joli titre qui fait partie des meilleurs du disque à mon sens. Take It Back, avec ses sons océaniques à certains moments, monte en puissance au fil des minutes. La patte de Danger Mouse est également largement audible puisque l'on ressent presque des relents de Broken Bells ou de Rome (Danger Mouse & Daniele Luppi), j'adore ! After The Fall renoue avec l'esprit groovy de l'album, la multitude d'instruments ajoute au dynamisme de la piste.

La première partie du disque s'écoule rapidement, les morceaux n'étant, avouons-le, pas vraiment longs. Nous avons néanmoins eu un aperçu suffisamment intéressant pour savoir que le virage musical pris par Norah Jones est bien négocié et qu'elle assure encore une fois.

4 Broken Hearts et Travelin' On (dont l'orchestration me rappelle presque The Cinematic Orchestra) poursuivent notre balade apaisante avant Out On The Road qui joue sur les métaphores : la route étant l'amour. Ce morceau ainsi que le suivant, Happy Pills, le single de l'album, sont enjoués, les mélodies notamment pour Happy Pills nous trottent en tête après écoute(s). Assurément deux chansons très sympas qui nous font un tantinet bouger. Tout l'inverse de Miriam, chanson aux paroles difficiles (« Miriam, tu sais que tu m'as fait du mal, J'aurai le sourire quand je t'ôterai la vie ») même si la chanteuse nous assure qu'elle n'a tué personne... Merci pour la précision ! Le disque s'achève sur All A Dream avec sa bonne grosse ligne de basse et ses grattes presque proches à certains moments de celles de Lullaby de The Cure.

Voilà, la galette est consommée, Little Broken Hearts me fait une belle impression. Norah Jones n'est assurément plus la même artiste qu'à ses débuts. Oubliez l'image de fille gentille, presque candide. Encadrée par l'excellent Danger Mouse qui apporte vraiment une touche à l'album, Norah Jones nous concocte, comme à l'accoutumé, un album presque autobiographique, tantôt bouleversant, tantôt déroutant. Année après année, la jeune femme arrive encore à nous surprendre et oublie ses acquis et sa notoriété pour nous offrir un album aussi rafraîchissant que plaisant ! Félicitations Miss Jones.
Pour plus d'informations, vous pouvez vous rendre sur le site officiel de la chanteuse ou bien sur sa page Facebook. Sachez qu'elle sera en concert à l'Olympia (Paris) le 25 mai qui affichera complet pour l'occasion. Mais, puisque les choses sont bien faites, Norah Jones se produira une seconde fois en France, le 13 septembre, au Zénith de Strasbourg ! Un concert à ne manquer sous aucun prétexte !
alfextra
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le 10 juin 2012

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