L’Oiseleur
7.2
L’Oiseleur

Album de Feu! Chatterton (2018)

Et soudain, je me suis vu.
Les pieds posés sur un appareil de glisse urbaine moderne et motorisé, la barbe plus ou moins bien taillée, l'oiseleur à la main dans une version vinyle difficile à camoufler, traversant la rue principale de ma toute nouvelle ville d'adoption en pleine fin de festival. Le portrait parfait du connard bobo dans la fleur de l'âge. Celui-là même que nous sommes si nombreux à vomir par ici. Si j'avais pu ajouter, en panneau lumineux et clignotant, que je faisais en plus partie des trous du cul les plus visibles de SC, j'imagine que le tableau était complet.


Cliché poisseux.
Parce que Feu ! Chatterton, ça colle. Dans tous les sens du terme.
Ça colle une étiquette snobinarde, d'abord. Celle d'un groupe encensé par la presse qui symbolise le mieux la superficialité clinquante et la hype éphémère.
Ça colle ensuite l'image d'une bande de gugusses qui poètent plus haut que leurs culs. T'imagines ? Des types qui choisissent un poète maudit, mort à 18 ans, pour nom de groupe, ça pose le melon. La chose devient peut-être plus plus amusante (ou trouble ?) quand on se rend compte que le type était aussi considéré comme mystificateur. Il n'empêche. Ça continue à péguer.


Au fond, ce qui colle de la manière la plus agréable, ce sont sans doute les mélodies entêtantes du quintet. Pour être pleinement découpé par les scalpels tranchants de l'ivresse rare et incisive que peut procurer l'écoute l'un des deux disques de Feu ! Chatterton, il faut savoir oublier les paroles, même si on vous raconte qu'il s'y entrechoquent "réalisme contemporain et onirisme suranné, clins d’œil au cinéma pulp, poésie surréaliste, guitares new wave et scansion rap". Tout ça est parfois vrai, mais c'est pas vraiment ça qui compte.


Ce qui compte, c'est l'élévation, l'exaltation.
La flottaison inattendue pour avoir été guettée depuis trop longtemps. Le temps d'une poignée de chansons en suspens, le vol plané gracieux d'un oiseau soudain relâché au dessus de la ville. La soudaine légèreté du monde, quand autour de nous tout coule sous le poids de la nostalgie et du mensonge partagé.


Le bonheur, finalement, de glisser devant des terrasses un disque à la main, et tant pis si autour de toi on ricane parce que tu ressembles vaguement à une caricature de dandy sur le retour. Il est des plaisirs intimes qui sont si forts qu'ils supportent toutes les railleries et les quolibets.

guyness
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le 14 août 2018

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