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2002 voyait la fin des activités du label angelino Celestial Recordings après quatre années de bons et loyaux services. Un bien triste événement pour son boss, le producteur/ingénieur du son Daddy Kev, ainsi que pour les artistes du Project Blowed qui avaient là leur meilleure tribune pour enfin diffuser leur musique. Celestial, c'était avant tout la concrétisation d'un rêve pour Kev : celui de pouvoir sortir les disques de ses MCs préférés en leur laissant un maximum de latitude pour ce qui est de la créativité. Malheureusement, une gestion un peu hasardeuse (une quarantaine de disques en quelques mois) aura raison de la belle entreprise non sans que celle-ci ait produit quelques albums de qualité.

En plus d'être le premier disque sorti en son nom propre, le "Lost Angels EP" est totalement annonciateur des collaborations musicales futures de Daddy Kev. Tout d'abord, bien sur, Awol One le Shapeshifter dépressif et alcoolique à la voix rauque avec qui il réalisera pas moins de quatre projets ("Souldoubt" la même année, "Number 3 On The Phone" l'année suivante, l'expérience "Slanguage" en 2003 annonciatrice de ses futurs travaux et "Killafornia EP" en 2005) mais aussi son collègue Circus, le MC off beat paranoïaque et obsédé par les extra-terrestres (leur projet commun est prévu pour 2006 sur le nouveau label de Kev, Alpha Pup). On retrouve également Busdriver avec qui il réalisera "Cosmic Cleavage" en 2004 et P.E.A.C.E. de Freestyle Fellowship ("Green Mile", l'album où il croisait le mic avec son cousin Kits et Awol, ne sortira vraisemblablement jamais).

Bien que crédité avant tout comme disque de Kev, ce sont les MCs qui tiennent la dragée haute sur le 8 titres. Encore fébrile, le producteur ne s'octroie que deux courts passages en solo ("Test Drive" n'étant qu'un interlude parlé), passages qui tiennent plus de la respiration que de la démonstration. On a la sensation d'être encore dans la recherche, aussi bien dans le domaine de la production stricto sensu que dans les ambiances, ce qui empêche "Lost Angels" et "Ascension" d'être réellement marquants (leur durée plus que réduite n'aidant pas non plus). Preuve d'une maîtrise relative de ses ambiances, la plage instrumentale servant d'outro est curieusement inquiétante, comme en décalage avec l'ambiance générale du EP, certes pas foncièrement porté sur la déconnade mais loin de l'angoisse véhiculée par cette "Ascension" qui n'en a que le nom.

Le corps du EP, donc, revient aux MCs. Et c'est à Mikah 9 d'ouvrir le bal avec l'indispensable "First Thing Last", apparition qui restera comme une de ses plus réussies (et un des meilleurs titres de toute cette scène). En collant méticuleusement à la cascade égrainée par un piano frénétique, le rappeur de Freestyle Fellowship fait la démonstration de sa technicité et de sa musicalité. Le résultat est bluffant.

C'est le Busdriver époque "Memoirs Of The Elephant Man" (son premier album sorti sur CD-R en 2000 chez Afterlife Recordz) qu'on retrouve sur "Blowed Anthem", débit halluciné et interprétation dans l'excès pour un hymne à la gloire de son crew. A cause d'une rythmique trop chargée et d'une basse trop présente, le MC qui n'a pas réellement besoin d'artifices supplémentaires pour se donner une contenance, se retrouve quelque peu noyé.
Autre moment fort du EP, "Walking On Water" où P.E.A.C.E. s'en donne à cœur joie sur la rythmique pesante de Kev, passant du rap au spoken word halluciné avec une décontraction confondante. L'interprétation du compère de Mikah permet à la prod de Daddy Kev de prendre toute sa dimension. De quoi faire regretter que "Green Mile" ne trouve jamais le chemin de nos bacs.
C'est aux Shapeshifters que le producteur angelino laisse le soin de clore le EP. "This Stuff's Really Wacko" et sa prod cartoonesque semble parfaitement adaptés à la personnalité de Circus. Le débit chanté (faux) et off beat du dodu paranoïaque a l'air d'avoir été enregistré à son insu, comme s'il fredonnait dans son salon en collant ses coupures de presse prouvant l'existence d'une conspiration gouvernementale. Il abandonne heureusement en cours de route le flow fainéant du début de titre pour se montrer finalement plus impliqué, sans pour autant en oublier ses élucubrations abstraites.
Et Cathy Guetta d'être contente avec "Lick Me I'm famous"... C'est le Awol One dynamique (appliqué à Awolrus, cet adjectif est relatif mais ceux qui ont écouté "Souldoubt" saisiront de quoi il s'agit) qui s'épanche (déjà) sur le thème de la célébrité, entre relative aigreur et réel amusement (un thème qu'il reprendra plus tard sur "Dumb Fuckin' Idiot" tiré de "Number 3 on the Phone" la réalisation d'Awol et Kev en 2002). On n'atteint pas forcément la réussite des meilleurs titres du EP sorti la même année, la faute à une prod un rien plate mais le morceau reste sympathique grâce à l'humour de son auteur.

Aussi bourré d'imperfections soit-il, ce "Lost Angels EP" demeure un disque intéressant en ce qu'il est représentatif d'une époque, aussi bien pour Kev qui se cherche encore que pour le Project Blowed qui a enfin l'occasion de sortir de sa retraite californienne. La présence de titres tels que "First Things Last" et "Walking On Water" justifient à eux seuls l'écoute (complète) de ce court disque. On pourra apprécier, rétrospectivement, la fidélité des MCs au producteur et la pérennité de leur travail en commun. Quoi qu'il en soit, on ne remerciera jamais assez d'offrir à ces anges perdus l'occasion de trouver la voie de la rédemption vis-à-vis d'une industrie du disque qui ne semble toujours pas prête à les accepter en son sein.
NicoBax
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le 21 déc. 2011

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NicoBax

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