Lâcheté et mensonges
Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...
Par
le 29 nov. 2019
205 j'aime
152
En 2009, la rumeur allait bon train quant au brillant avenir de Crocodiles, rapidement, et un peu paresseusement consacrés héritiers de The Jesus and Mary Chain, dont ils reprenaient certes le flambeau : morgue vénéneuse, guitares fuzz sursaturées et réverb’ dissimulant – à peine – un vrai soin apporté aux mélodies pop au sens le plus sixties du terme. Sur scène, nous découvrîmes, enthousiastes, un groupe qui n’aurait pas démérité sur la scène du CBGB en 1977 : une sorte de pop dégénérée et gouailleuse, des riffs de guitares qui cisaillent l’air avec une intensité redoutable, et un chanteur / bête de scène qui nous évoqua le Lou Reed junkie et famélique de 1974 avec ses lunettes noires, son profil austère et ses gestes saccadés.
10 ans plus tard, comme tant d’autres, Crocodiles (en fait le duo fondateur du groupe, Charles Rowell et Brandon Welchez) n’ont jamais vraiment percé, sont restés un espoir non réalisé, et ont exploré en vain différentes manières de faire évoluer leur musique. On les retrouve aujourd’hui signés sur un label indépendant strasbourgeois, avec leur septième album studio, "Love is Here (The End is Near)", un album enregistré à Mexico – pas d’influence locale perceptible, néanmoins – et qui retourne crânement vers les accents extrêmes et l’ambiance électrique de leurs débuts. Est-ce d’ailleurs une coïncidence si cette forme de purisme rock, ce souci d’élégance et ce désir de poursuivre une histoire musicale née à la fin des sixties qui a fourni au Rock certaines de ses plus belles extases, a trouvé un refuge en France, pays où l’on respecte encore, même marginalement, la belle tradition psyché / garage ?
En tous cas, dès le premier et magnifique assaut sonique qui ouvre l’album, "Nuclear Love", il est évident qu’on n’est pas là pour rigoler : l’album va clairement nous parler d’amour – plutôt de la fin de l’amour, d’ailleurs – et de chaos planétaire, sur fond d’électrocution générale. Visant aussi bien le cœur – qui d’entre nous n’a pas vécu ce désolant naufrage qu’est une rupture ? – que la tête – qui d’entre nous n’est pas aujourd’hui désolé par la montée qui semble irrépressible de l’extrémisme le plus brutal et le plus stupide ?, "Love is Here (The End is Near)" est un disque qui a bien des choses à nous dire, et qui nous les dit bien : il nous parle de notre vie et de notre actualité en n’oubliant jamais que le Rock – garage, psyché, punk, choisissez le terme que vous préférez – offre l’un des points de vue les plus pertinents, les plus honnêtes sur tout cela. « Intègre » est sans doute l’un des plus justes qualificatifs que l’on peut utiliser face à cette musique.
Ah, et « excitante » aussi, bien entendu !
PS : Puisque Brandon et Charlie ont maintenant des amis français, est-ce que quelqu’un peut SVP leur expliquer comme prononcer correctement Rats d‘Amour ? Leur crédibilité pourrait en sortir encore grandie…
[Critique écrite en 2019]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2019/02/21/love-is-here-le-retour-du-rock-incendiaire-de-crocodiles/
Créée
le 19 avr. 2019
Critique lue 70 fois
1 j'aime
Du même critique
Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...
Par
le 29 nov. 2019
205 j'aime
152
Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...
Par
le 15 janv. 2020
192 j'aime
118
Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...
Par
le 15 sept. 2020
190 j'aime
25