Love Let Me Go
7.8
Love Let Me Go

Album de More Than Life (2010)

Why are we so alone, chasing each others shadows in the dark ?

L'album est dans mes mains, sombre comme la mort. Noir à en devenir dépressif. On aperçoit vaguement sur la pochette une ombre de femme, les seins nus. Au dos, aucune tracklist. Seulement les mots Love Let Me Go répétés à l'infini, formant un coeur. A l'intérieur, même chose sur le CD. Quand au livret, il ne délivre que le nom des pistes et quatre mots qui annoncent un album très dur : Tried, Failed, Hated, Died. Il est temps de lancer la première piste...

Black clouds still circle the sky, the gods have felt our pain.

L'horizon se couche et Scarlet Skyline délivre ses premières notes mélancoliques. Il faut attendre quasiment deux minutes pour entendre les cris du frontman. Le morceau part alors à toute vitesse, les paroles s'enchainent sans répit. Il est question ici d'une femme mystérieuse que notre narrateur n'a pas forcément compris, il la décrit physiquement et essaye de comprendre. Premier instant de calme et un chœur qui se fait entendre (killing something beautiful). On commence à comprendre que cette femme a perdu des êtres chers. Et il faut la dernière phrase pour comprendre que cette dernière est morte, lorsqu'il lâche sur sa tombe une rose.

I tried, I failed, I hated, I have died.

Curtains Closing prend le pas de ce troublant départ. A toute vitesse, encore une fois. On s'interroge encore sur le but de la vie, les envies de vivre quelque chose d'important pour se sentir vivant. Et la vérité qui rattrape pour se retrouver seule face à sa tombe. Lorsque le mot « Alone » résonne, le morceau prend une nouvelle forme et s'envole dans un break prenant. Ce break transforme cette première partie en un morceau épique. Le rythme entêtant des guitares nous propulsent au son des cris du frontman : Je ferme mes yeux, ferme les rideaux, verrouille les portes. Essaye d'ignorer les voix.

C'est le moment choisis pour lâcher ces mots que j'avais découvert dans le livret de l'album : I tried, I failed, I hated, I have died. Et que dire de cette fin déchirante du morceau, lorsque seuls sont entendus les accords de guitare et que la voix brisée hurle cette phrase : and i wonder, have you ever screamed my name in the middle of the night ? Il n'y a plus rien à dire, nous sommes face à un des plus beaux morceaux de cet album.

I watched the leaves fade from green to black and die, around my feet.

The first night of autumn donne le rythme machinal de votre tête, ce fameux headbang. Malheureusement, notre narrateur est toujours aux prises avec son fantôme qui danse devant lui, lui murmure qu'elle le reverra bientôt. Dépassé par son mal-être, errant seul dans les rues de la ville, notre homme regrette que l'automne soit déjà là. C'est alors que le morceau prend une autre tournure musicale et nous plonge dans un nouveau break mélancolique. Mais le ton est le même. Dans le temps pourri qui l'entoure, notre narrateur retrouve des moments qu'il ne vivra plus jamais. Dans chaque flash de phare, il se morfond. C'est sur cette magnifique phrase que se termine le morceau : I couldn't kiss you one last time without letting you know you're always be mine.

I can't erase the reality i watched you walk away from me.

Take My Life Away prend le pas. On a droit ici à l'apparition du frontman de Dead Swans, un autre groupe assez connu en Angleterre. Au vu des paroles, il est maintenant difficile de savoir si l'amour dont parle le narrateur est bel et bien mort ou s'il l'a juste perdu. Difficile de savoir si une personne est décédée ou s'il image la mort de l'amour au travers d'une fille qu'il a perdu.

Blue eyes seem so far away, when I'm black eyed every single day.

Black Eyed ne dure que deux minutes et quelques. Un morceau quasiment musical. Seuls quelques mots s'échappent. De magnifiques mots qui restent en mémoire : Blue eyes seem so far away, when i'm black eyed every single day.
Your touch was never near, those days I always feared. La voix d'un autre chanteur se fait entendre en écho.

It's not reassuring falling asleep with so much on your mind.

La moitié de l'album est passée. C'est au tour de Silent Grey de prendre la relève. On commence à tourner en rond ici. Niveau paroles je parle. On comprend maintenant que notre homme a juste perdu sa première copine (ou une très importante). Même si les phrases sont magnifiques, même si on sent la passion et la douleur. On a l'impression qu'il a perdu un amour d'enfance et qu'il n'a que 17 ans. Difficile de se sentir impliqué au fur et à mesure de l'avancée de l'album. Niveau musical, c'est toujours aussi fort et carré. Le break final à la 3e minutes conclut avec brio : Tonight I scream for violence.

Why are we so alone, chasing each others shadows in the dark ?

I've lost track of everything est un morceau troublant. A la fois une complainte de l'éternel humain cherchant son amour dans la noirceur de la vie et un appel à l'aide terrifiant. Les derniers mots qui transcendent ce superbe morceau révèlent la façon dont cet adolescent prend conscience que la perte de son amour est synonyme de passage à l'adulte : My youth has given up on me, I'm dying inside.

Why do I lie to myself and still pretend I don't remember ?

Daisy Hill. Ma chanson préférée. Que ce soit ces notes de guitares accrochées à un reverb lointain qui annoncent l'apocalypse ou cette batterie entêtante qui plonge mon cœur au fin fond de mes souvenirs de douleurs adolescentes, ce morceau ne s'annonce pas qu'épique. Il l'est. Il vous prend à la gorge et monte en puissance jusqu'à ce que tout lâche sur cette superbe phrase : Since the day I was born death has been chasing me back home. La présence de cette fille, ce fantôme, empêche de respirer, paralyse. L'idée de l'album est maintenant claire. More Than Life a décidé de tenter d'exprimer la douleur de l'amour sous toute ses formes. Il n'y a pas forcément d'histoire. Plusieurs histoires qui collent à la peau.

Love is passion, obsession, something you can't live without.

Obsession. Un interlude qui annonce la fin éponyme de l'album. Un sample qui tourne en boucle, issu d'une phrase de Rencontre avec Joe Black : Love is passion, obsession, something you can't live without, there's no sense living your life without this, to make the journey and not fall deeply in love, no you haven't lived a life at all. But you have to try, because if you haven't tried, you haven't lived. Alors que Daisy Hill m'a permis de prendre conscience de la volonté puissante de cet album. Cette citation en est maintenant l'ultime preuve. Cependant, se dirige-t-on vers une fin heureuse ? Car les derniers mots sont clairs : Il faut essayer, car si l'on ne s'essaye pas à l'amour, on n'a pas vécu.

I've never felt a pain in life so hollow.

Ça y'est. On y est. L'ultime révélation. Celle qui fait de cet album une pièce de choix dans le paysage hardcore actuel. Love Let Me Go révèle alors le véritable but de cet album. Permettre aux kids écoutant cet album de faire le deuil de leur amour. Prendre tous les souvenirs, souffrir avec eux, se rappeler chaque endroit, chaque parole, chaque geste d'amour. Pleurer, se sentir le plus minable du monde, ne voir que du noir autour de soi, ne se sentir vivant que la nuit dans l'obscurité. Et puis un jour, décider d'aller de l'avant et demander à l'amour de nous laisser avancer. I've given up. I'm letting go. I'm so scared, of what will follow.

Bien sûr qu'on a tous eu peur de ce qui allait suivre, ce moment où on fait le deuil de cet amour qui ne reviendra jamais. On l'a tous vécu. Et je crois que c'est vraiment avec brio que More Than Life a réussit sa tentative. Il est vrai qu'au milieu de l'album, j'ai eu une certaine hésitation vis à vis d'une répétition dans les paroles. Mais passé le cap du milieu (Silent Grey en fait), l'album s'emballe et propulse là où on a besoin de lui. Un pur moment de hardcore. Cette musique qui a toujours été créée par des kids pour les kids. Par les jeunes pour les jeunes. Pour arriver à mettre sur le papier et dans la musique leurs peurs et leurs souffrances et leur permettre de se libérer grâce à ce partage. En concert ou sur CD. Car rien ne vaut une chanson qui touche et qui nous fait comprendre que quelqu'un a ressenti la même chose à un moment de sa vie, pour nous permettre d'avancer et de nous sortir de cette spirale infernale.

Vous l'avez compris, foncez acheter ce superbe album. 6€, c'est quedal. Et si les frais de port ne vous intéresse pas. Foncez sur iTunes.
artificier
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le 20 déc. 2011

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