Ça y'est. J'ai bouclé la boucle. Après avoir découvert le chef d'œuvre de Steinbeck au théâtre il y a quelques mois, après avoir vu l'adaptation ciné, je viens de me lire d'une traite l'œuvre originale : le livre.

Et comme lors de la représentation théâtrale, mes mains tremblent encore, mes yeux sont humides.

C'est l'histoire d'hommes, de pauvres hommes qui rêvent. Des hommes qui aspirent à une vie meilleure et qui ont réussi à se débarrasser d'une belle chose : la solitude. Georges et Lennie vadrouillent ensemble, Georges clame sans cesse qu'il préférerait être seul que de se trimballer Lennie. Mais au fond de lui, il sait que c'est faux. Lennie est un peu attardé. Il a la carrure pour bosser, mais les neurones ne suivent pas. Il aime tout ce qui est doux : les souris, les vêtements mais surtout les lapins. Et depuis toujours, cela lui pose problème.

Ils viennent de fuir leur dernier travail et se retrouvent dans un ranch à des miles de là.

Ces deux hommes vont croiser tout ce qui caractérise l'humanité : l'homme solitaire, le vieux, le brave gentil, le nègre, le fils de pute, les pauvres bougres.
Chaque personnage, au travers des dialogues, dévoile sa misère et ses rêves. Le langage n'est pas soutenu, tout est clair et limpide, parfois à la limite du burlesque ou de l'absurde.

Il y a dans cette histoire des dizaines de vies qui se croisent : certaines seront bouleversées à jamais, d'autres resteront au même point de départ. Je pense notamment aux dernières paroles de Carlson : "Qu'est-ce qu'ils peuvent bien avoir qui leur fait mal, ces deux là ?"

Des vies bouleversées, il y a d'abord celles de Georges et Lennie, bien évidemment. Ils rêvent doucement de s'acheter leurs propre terrain pour vivre tranquillement à l'abri des horreurs d'un monde qui ne les comprend pas. Ils embarquent dans leur projet le vieux Candy, infirme, et le nègre, blessé au dos.

Vous avez sûrement rêvé vous aussi, à voix haute, raconté un endroit où vous aimeriez vivre. Cette chaleur dans la voix, l'excitation qui fourmille dans chacun de vos mots et les yeux qui brillent jusqu'à oublier où vous êtes et ce que vous faites, et bien ce livre retransmet parfaitement ce genre de dialogue et vous laisse imaginer avec fièvre le lopin de terre misérable dont ces pauvres hommes rêvent en cachette.

Mais tout ne tourne pas autour de Georges et Lennie. Plusieurs tragédies parsèment ce livre et rendent le récit plus dense qu'il n'y parait. Le chien de Candy, la vie minable de Curley, sa femme incomprise qui recherche seulement des gens à qui parler, le nègre, prophète malgré lui et son monologue vain. Toutes ses existences se broient sans vergogne dans le rouleau compresseur de la vie.

Des souris et des hommes doit être lu par toute personne au moins une fois dans sa vie. Il n'est pas long. Il est simple à lire et il en ressort une telle violence, une telle solitude, un tel désespoir, qu'il est difficile de rester de marbre lorsque la dernière page se tourne.

A tous ceux qui rêvent en cachette ou à voix haute. A ceux-là qui n'atteindront jamais leurs rêves. Ceux-là, Steinbeck les porte sur un piédestal d'une beauté et d'une sincérité extraordinaire et fait de ce "petit" roman, un chef d'œuvre.
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le 6 avr. 2011

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