Il me semble particulièrement difficile de parler de "Low" de façon exhaustive. Il y a en effet dans ce onzième album de David Bowie, premier de sa fameuse "trilogie berlinoise", quelque chose d'unique, de profondément indicible, et me plier à une critique "objective" où je tenterai d'expliquer tous les éléments qui font de cet album un monument serait un exercice périlleux et assez inutile finalement.
Avant tout, je me permets de revenir un peu en arrière, à l'époque où j'ai découvert pour la première fois ce disque de Bowie. Bowie... Un artiste que j'aimais déjà énormément, principalement grâce à son Ziggy Stardust, album monstrueusement beau et efficace, l'un des seuls qui puisse me faire aimer le rock. Et puis, il y avait "Life On Mars?", un sommet, un chef d’œuvre, quel morceau... Rien que pour ce dernier je considérais déjà Bowie comme l'un des plus grands.
Lorsqu'enfin j'ai eu l'occasion de mettre la main sur ce "Low", je ne m'attendais pas à une telle découverte. Je me rappelle encore de ma première écoute, intrigué par ce qui me semblait être une musique étrangement désorganisée. Il y avait dans les différents morceaux qui se succédaient à mon oreille quelque chose d'inexplicable. Un côté bancal, pas déplaisant au demeurant. Cette étrangeté m'a guidé dans les premières écoutes, et j'ai d'abord considéré ce "Low" comme un bon album, mais pas au niveau du plus grandiose de Bowie.
Et puis, progressivement, tout s'est éclairé dans ma tête. Les meilleurs albums sont souvent ceux que l'on découvre avec le temps. Je pense que celui-ci en est un parfait exemple. J'ai enfin compris, assimilé tous ces timbres, cette superposition de rythmes, cet assemblage particulier de couplets non chantés, de refrains qui n'en sont pas vraiment, de modulations étranges... Tout d'un coup le côté légèrement confus d'un "Speed Of Life" s'est effacé, et le morceau est devenu d'une limpidité exemplaire, comme si d'un coup, nous étions dans la tête des créateurs (n'oublions pas Eno, notamment), et que cette musique était un langage particulier permettant un accès privilégié vers "leur monde", le Berlin d'après-guerre mais aussi le Bowie d'après "Station to Station", encore marqué de cette époque difficile (euphémisme ?).
Il faut dire que Bowie et Brian Eno donc, ancien pensionnaire de Roxy Music, l'homme de l'ombre de cet album, ne nous ont pas facilité la tâche quant à l'appréciation de cet album : Le dernier a été essentiel dans le langage quasiment minimaliste qui se dégage de certaines pistes (surtout les quatre derniers morceaux), Weeping Wall par exemple transpirant clairement le Steve Reich, mais également dans l'arrangement, qui s'il nous paraît surprenant voir confus, s'explique par exemple par l'utilisation des "stratégies obliques", Eno demandant à chaque musicien de tirer une carte avant de jouer sa partie instrumentale, carte sur laquelle s'affiche des indications sur la façon de jouer, donnant à chaque instrument son propre timbre, sa propre énergie et créant cette sensation bancale qui donne à "Low" un aspect unique, aspect unique renforcé par une utilisation des synthétiseurs particulièrement novatrice (nous sommes en 1977 !), notamment dans les derniers morceaux, aux aspects mystérieux mais qui bizarrement n'ont pas vieilli en plus de 30 ans.
Ce serait néanmoins réducteur de n'expliquer le génie de "Low" que par le biais de ces détails techniques. La force de cet album tiens surtout de ses compositions fascinantes, notamment "A New Career in a New Town" et "Warszawa", sans doute mes deux pistes préférées de l'album, la première étant d'une pureté triomphale et d'une mélancolie envoutante, la deuxième étant un trip hypnotique grandiose, version apocalyptique de Vangelis, qui se fait l'écho de Varsovie sous l'ère communiste, ville dévastée par une profonde misère.
Bref, comme je l'ai dis au début, il est impossible de parler de tout ce qui fait de "Low" un grand album, et plutôt que de continuer à écrire cette critique, je vais de ce pas me le réécouter. Et vous devriez tous faire pareil.
LOW RPZ.