Construção par Ripailloux
Il y a quelque chose de profondément fascinant dans la musique de Chico Buarque. Construçao ne déroge pas à cette règle. En 1971, lorsque le célèbre musicien, chanteur et compositeur brésilien sort cet album, c'est une réelle révolution stylistique qu'il opère par rapport à ses anciens travaux. Si l'influence des musiques traditionnelles et surtout de la bossa nova se fait encore ressentir, le résultat global est bien plus riche que ça.
En effet, c'est réellement le "style Buarque" qui va se révéler à travers ce superbe album, et de fait, va permettre à son auteur de devenir un des principaux chefs de file de la "mpb", la Música Popular Brasileira, qui, par son engagement politique et ses innovations musicales importantes, est sans doute l'un des styles majeurs à découvrir au cœur de tous les genres jugés "plus obscurs" par le grand public.
Mais revenons-en à l'album en lui-même. Construçao est principalement constitué de morceaux courts, comme la majeure partie des productions brésiliennes de l'époque, et de ce fait, son efficacité est totale. Il est impressionnant de voir à quel point chaque morceau de l'album à sa propre personnalité, sa propre teinte, comment chaque morceau s'articule parfaitement autour d'influences diverses (bossa, rock, mpb, ...). L'ensemble est d'une fluidité extraordinaire (par exemple "Desalento" est un morceau qui pourrait servir d'exemple parfait de l'écriture harmonique de la musique brésilienne). L'émotion est encore une fois très présente : Elle ne saute pas forcément aux yeux de premier abord, mais chaque morceau a une âme mélancolique, ce qu'on pourrait même appeler "saudade", ce fameux mot intraduisible dans d'autres langues que le portugais.
Le morceau éponyme est un sommet d'écriture : Il se construit autour d'un simple thème dont l'évolution et les variations en font devenir une mélodie lancinante et poignante, alors que celle-là même nous paraissait innocente dans les premières secondes.
Je pourrais parler de chaque morceau avec une passion dévorante mais c'est bien l'ensemble de l'album qui est réussi. Si il y a un album brésilien qu'il faut écouter, je dirai que c'est celui-là. Il représente en effet plutôt bien le spectre sonore et stylistique d'un pays foisonnant de talents et de génies musicaux. A mi-chemin entre bossa, pop rock, mpb, aux influences parfois classiques, Construçao a une teinte unique qui en fait un sommet qu'on ne peut ignorer si on souhaite réellement découvrir la musique brésilienne.
L'essayer, c'est l'adorer.