En direct de RCA
— Si nous sommes réunis aujourd’hui messieurs, c’est pour répondre à une question, non moins cruciale, tout du moins déterminante quant à la crédibilité de notre établissement: comment va -t-on...
le 7 mai 2014
20 j'aime
8
J'ai découvert Low à sa sortie dans des conditions très particulières, aberrantes sans doute, mais finalement, d'une manière assez amusante, pertinentes par rapport au projet conceptuel qu'est cet album "différent" de MM. Bowie et Eno (sans oublier Iggy Pop, qui était dans le coup...). Je l'ai écouté plusieurs fois sur l'électrophone (un Teppaz assez bas de gamme, pour ceux qui savent ce que ça signifie) de ma petite amie de l'époque, sans me rendre compte que la vitesse de rotation était défectueuse, et se situait quelque part entre 33 et 45 tpm. A la bizarrerie voulue de l'album - la première face particulièrement, paradoxalement plus aventureuse que la fameuse seconde face "instrumentale" - est venue s'ajouter l'accélération du chant de Bowie, qui montait donc en fréquence. Le résultat était absurde, incompréhensible, mais je me plais aujourd'hui à me le remémorer comme une sorte d'écho des "stratégies obliques" d'Eno utilisées lors de l'enregistrement.
On sait que Low fut, logiquement, mal reçu par la maison de disque de Bowie, mais qu'il se vendit bien, avant de devenir un album fondateur de tout un courant musical, et d'être aujourd'hui considéré comme un véritable chef d'œuvre. On le qualifie de "premier volet de la trilogie berlinoise" de Bowie, même s'il fut largement créé et enregistré en France, au Château d'Hérouville, avant d'être terminé au Studio "Hansa By The Wall" à Berlin. Il est inutile de revenir sur les faits qui sont connus autour de sa création, sa parenté avec son jumeau toxique, The Idiot d'Iggy Pop, et sa descendance avec Heroes, qui connaîtra un bien plus grand succès, même s'il lui est notablement inférieur.
Low contient un morceau qui est un chef d'œuvre absolu, Warsawa, bande originale parfaite d'un film qui n'existe que dans nos cerveaux, et c'est très bien comme ça. Suivi quand même par une autre pièce bouleversante, Subterraneans, avec son final au saxo terrassant. Et les deux autres titres de la seconde face, pour être moins mémorables, restent conceptuellement des réussites totales, à la fois abstraits et organiques.
C'est finalement la première face qui résiste le plus à l'analyse, à la compréhension : entre deux instrumentaux troublants, voilà une succession de drôles d'objets qui ressemblent presque à des chansons, certaines avec des mélodies impeccables (Sound and Vision, What In The World), mais des chansons qui auraient été écrites et jouées par quelques extraterrestres qui ne maîtrisent pas complètement ce concept : finalement, la référence de la pochette à The Man Who Fell To Earth est parfaitement pertinente par rapport à cette première face qui reste, même après des décennies d'écoutes répétées, l'une des expériences à la fois les plus satisfaisantes et les plus étranges qui soient.
Allons, devant cet album qui non seulement ne se démode pas, mais semble encore se bonifier avec le temps, on est prêt à parier que, avec quelques décennies de plus, il sera considéré comme "le meilleur disque de Bowie". On en prend le pari ?
[Critique écrite en 2024]
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs albums de David Bowie, Mes 10 albums préférés de 1977, Poussière d'étoiles, hommage à l'un des plus grands artistes de notre siècle : David Bowie et Chaque situation un album
Créée
le 7 janv. 2024
Critique lue 109 fois
6 j'aime
3 commentaires
D'autres avis sur Low
— Si nous sommes réunis aujourd’hui messieurs, c’est pour répondre à une question, non moins cruciale, tout du moins déterminante quant à la crédibilité de notre établissement: comment va -t-on...
le 7 mai 2014
20 j'aime
8
La discographie de David Bowie est tellement hétérogène qu'il est difficile d'en apprécier tout le répertoire. Mais à l'inverse, il serait surprenant de persister à l'écouter et de la rejeter à bloc,...
le 22 mars 2018
14 j'aime
2
Alors que Le vent de la révolte souffle sur le monde du rock au milieu des années 70 avec l'arrivée du mouvement Punk, David Bowie a quitté Los Angeles pour Berlin, en Allemagne de l'Ouest en quête...
le 22 déc. 2014
14 j'aime
2
Du même critique
Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...
Par
le 29 nov. 2019
205 j'aime
152
Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...
Par
le 15 janv. 2020
191 j'aime
115
Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...
Par
le 15 sept. 2020
190 j'aime
25