Magic
6.5
Magic

Album de Bruce Springsteen (2007)

Le manifeste antiguerre et anti-Bush, pas plus convaincant que ça

Cet album de 2007 succédait à un album entier de reprises avec les Seeger Sessions ; joyeux, festif et engagé. Retour donc en 2007 à 12 morceaux originaux, dont l’écriture a commencé pendant la tournée « The Rising » en 2002-2003 et s’est poursuivie pendant la tournée des « Seeger sessions ». Il m’a fait l’effet d’un soufflé : À la 1ère écoute, j’avais bien aimé cet album et dès la 2e, ses points faibles étaient apparus, le soufflé commençait à retomber. Depuis, je ne l’écoute pratiquement plus alors qu’il ne se passe pas une semaine sans que je me mette un album de Bruce. Cet album n’a pas passé le cap des années. Bruce a raconté qu’il s’agissait de son « manifeste » sur l’état des États-Unis à ce moment-là, contre la guerre en Irak qui se poursuivait et la présidence Bush, alors que Bruce s’était fortement impliqué dans la campagne 2004 en faveur des Démocrates, donnant plusieurs concerts avec des artistes comme Eddie Veder, REM…Pour ce nouvel album, il retrouve la famille du E Street Band ainsi que Brendan O’Brien à la production qui depuis « The Rising » lui a apporté un son plus moderne.

Cet album commençait fabuleusement avec un titre très puissant, « Radio Nowhere », bon rock qui envoie et qui fait un bien fou. Les paroles, elles, n’expriment aucun optimisme, comme un scénario de fin du monde, le narrateur voyant l’apocalypse se produire et toutes les communications étant coupées, donc plus de radio ni de contact entre les gens. Bruce faisait peut-être allusion à la politique sécuritaire de l’administration Bush et au Patriot Act, détruisant progressivement les fondements de la nation états-unienne, c’est une explication possible. Mais dans ce titre comme dans tout l’album, l’actualité plutôt inquiétante est toujours traitée indirectement, à coup de métaphores que chacun peut décrypter comme il l’entend. Malheureusement, après cette énorme entrée, l’ensemble retombe vite et peu de morceaux surnagent, certains étant même très légers. Pas désagréables car après le constat sur l’état de son pays et du monde, ça fait plutôt du bien mais une chanson comme « Girls in their summer clothes » est assez touchante avec un Springsteen de 57 ans nous racontant avec sagesse, lucidité et une pointe d’autodérision, que des jeunes femmes passent désormais devant lui en l’ignorant totalement. Soyons réaliste, elle est assez vite oubliée et n’est pas entrée dans le Panthéon « springsteenien ». D’autres relèvent un peu le niveau et ce sont les plus graves comme « Gypsy Biker », l’histoire d’un soldat qui rencontre son Créateur en Irak et dont le corps est rapatrié dans son pays, tout ça à cause des responsables cités par Bruce que sont le gouvernement, les industries de l’armement et les stratèges de l’armée. Ou «Last to die » qui renvoie à la guerre du Vietnam et rappelle un discours de John Kerry de 1971, futur candidat démocrate à la présidentielle et qui y a combattu de 67 à 69. Plusieurs décennies après, les mots de Kerry restent d’une actualité brûlante avec les attentats de 2001, les guerres d’Afghanistan et d’Irak et le cynisme des dirigeants. « Magic » a des paroles très violentes (plutôt rare chez Springsteen), la prétendue vérité qu’on présente aux Américains n’est en réalité qu’un vaste mensonge (les armes de destruction massives de l’Irak, par exemple…) :

« I got a shiny saw blade (a shiny saw blade)

All I need's a volunteer

I'll cut you in half

While you're smilin' ear to ear » (Magic)

Enfin, la piste cachée, « Terry’s song » est doux-amer, morceau dominé par le piano, évoque une amitié et il est dédié à Terry Magovern, assistant de Springsteen et décédé en juillet 2007.

Au final, un album inégal, entre ombre et lumière (un tout petit peu), avec quelques (trop rares) bons moments. La tournée 2007-2008 avec le E Street Band, fera une large place à ces nouveaux morceaux, bien repris par le public d’ailleurs (surtout « Girls in their summer clothes », 1er rappel de ces concerts). En présentant « Livin’ in the future », Bruce précisait que en réalité cette chanson traitait de ce qui se passait actuellement. Le narrateur refuse d’affronter la réalité, essayant de rassurer sa femme, d’abord pour se protéger et cacher un très sombre tableau, une chanson sur l’apathie selon Bruce :

« Don't worry, darlin'

No baby, don't you fret

We're livin' in the future

And none of this has happened yet » (« Livin’ in the future »)

Mais, indice qui ne trompe pas, aucune de ces morceaux ne sera interprété lors des tournées ultérieures, à part « Radio Nowhere » et encore rarement. Le suivant, « Working on a dream », allait être encore moins convaincant.

JOE-ROBERTS
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il y a 2 jours

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