Revisiter les trois accords du blues avec le minimum syndico-instrumental comme appris chez les Cramps (guitare, batterie et basta, la basse c'est pour les blaireaux), énergie du punk en sus, franchement, on connaît. Et, au risque de passer pour un vieux con, depuis un bail même. Thee Headcoats, Jon Spencer Blues Explosion, The Oblivians, la liste des ferrailleurs férus de Mississippi Fred McDowell, Hound Dog Taylor et Bo Diddley remplirait l'intégralité de ces pages jusqu'à la Saint Sylvestre qu'on en verrait pas le bout. Alors les Black Keys, ouaih, d'accord. Pas le mauvais cheval hein, bonnes gueules de bûcherons négligés, guitares impeccables (Telecaster et Gibson SG, même pas usées en usine), batterie avec logo du groupe sur la grosse caisse, rien à dire. Les deux gars appliquent leur manuel à la lettre et savent jouer leurs classiques, certes sans génie mais franchement, à ce stade, on en demande pas tant. Non, le seul problème, le seul vrai souci de ce disque, c'est son titre : Magic Potion. Parce qu'à ce niveau, il n'y a plus que les vieux que l'on prend pour des cons. Ce qui n'est JAMAIS une bonne idée. Car à contrario du célèbre duo gaulois dont les performances décuplaient grâce à la fameuse potion, à contrario des White Stripes (au sujet desquels on émettait déjà de gros doutes), The Black Keys sont très, mais alors très loin du compte. Présomptueuse au possible, cette énième relecture des saintes écritures rock'n'roll donne à la chanson Just A Little Heat un titre prémonitoire. Minuscule, la bouffée de chaleur.(Magic)
Rénovateurs du blues par l'électricité la plus sauvageonne, les Black Keys sont de retour. Les petits margoulins du binaire peuvent raser les murs (du son).Les Black Keys sont deux, mais ils font autant de raffut que s'ils étaient quatre (ils pourraient être Led Zeppelin, alors). Les Black Keys, qui avaient enflammé le Festival des Inrocks il y a deux ans, c'est, pour résumer, le seul groupe actuel qui réussit à rendre le blues-rock passionnant, voire crucial. A la fois élémentaire et débordante, leur musique se déverse comme un épais geyser de lave qui brûle tout sur son passage. Les Black Keys ont encore frappé, haut et fort. La Magic Potion de leur bien nommé quatrième album est à peu près identique à celle des trois premiers, et ceux qui sont tombés dedans quand ils étaient tout petits s'en trouvent encore retournés. Mieux que personne aujourd'hui les Black Keys rendent sa puissance et sa pertinence à la musique dite binaire ? pourtant, que de crimes récemment commis en son nom. Un groupe extraorbinaire, vraiment. Mais simple et modeste. Ils ont enregistré leur quatrième album comme les trois premiers : bouclés dans le sous-sol de la maison de Pat Cartney, le batteur, entre le lave-linge et l'évier, en complète autarcie. Les disques des Black Keys sont tous des basement-tapes, comme disait Dylan. Des explorations dans les fondations de la musique, où ils creusent de nouvelles galeries à mains nues. Avant l'invention du rock, ces gars auraient été mineurs de fond et fiers de l'être. La grandeur de leur musique, et son charme prolétaire, vient de sa profondeur, de la puissance mise en œuvre lors de son extraction. Ancrée dans le blues électrique, leur musique s'interdit la nostalgie, l'hommage, l'ironie, voire le glamour. Trop essentielle, trop incandescente. Un mélange deux-temps (comme le carburant qu'on mettait dans nos mobylettes en rêvant de piloter une grosse moto) de combustion punk et de sagesse vieille comme le blues. De toutes choses, ils tirent l'essence, l'honnête substrat. (Inrocks)
Les Black Keys défient l'entendement, la raison. Leur existence en ce début de troisième millénaire est un contresens absolu, leur obstination à délivrer strictement la même musique d'un album à l'autre un pied-de-nez aux règles de l'érosion. Le compteur désespérément bloqué en 1968, le duo originaire d'Akron (Ohio) pratique un blues-rock issu d'une bacchanale effrénée où l'on croise pêle-mêle Led Zeppelin, Jimi Hendrix ou Muddy Waters.Cette "Magic Potion" est encore une fois un flot poisseux de guitares reptiliennes. Impossible d'en ressortir réellement un titre parmi les autres, l'ensemble est d'une linéarité et d'une homogénéité confondantes : tout se ressemble. On a besoin des doigts des deux mains pour dénombrer les resucées du riff de Heartbreaker, mais là n'est pas vraiment le sujet. L'important reste ce son, squelettique (guitare, batterie, voix), brut et pourtant d'une force impressionnante, ainsi que son aptitude à charrier la même excitation torve, à provoquer la même fascination lascive. En celà, il manque aux Black Keys, par rapport aux White Stripes, autre duo au son minimaliste, une dimension pop, mélodique, qui permettrait à leur musique de s'affranchir de cette expansion unidimensionnelle. Ici, un son et deux accords suffisent à définir l'album, là où Jack et Meg White réussissent à transcender le matériau brut pour y tailler de véritables diamants pop ou country. C'est finalement là tout le paradoxe de ce duo anachronique : leur musique, puissante, physique, rugueuse, est un vrai bain de jouvence... qui donne surtout envie d'écouter d'autres disques, et de ressortir ses vieux classiques sixties. (indiepoprock)
Une voix, une guitare, une batterie : il n’en faut pas plus pour produire du bon blues-rock rugueux et authentique. Les Black Keys, dont c’est déjà le quatrième album, avaient jusqu’ici une réputation relativement confidentielle. Cette dernière livraison, sur un label plus prestigieux (V2), devrait rendre justice au duo venu de l’Ohio. Il faut dire que la « Magic Potion » qu’ils nous concoctent a tout pour satisfaire l’amateur de rock’n’roll qui se respecte. Un minimalisme qui conserve l’essentiel, un gros son qui nous emmène droit à Memphis, une voix qui sait chanter le blues… Bref, tout ce que le rock a pu perdre à mesure qu’il gagnait en sophistication est ici scrupuleusement préservé et entretenu. Parions que la musique des Black Keys réjouirait un Nick Cohn, pour qui Dylan et les Beatles ont tué la vraie musique rock. La « potion » est donc tout sauf une innovation époustouflante, plutôt le bon vieux breuvage de John Lee Hooker et des studios Sun. Est-ce que tout cela, dira-t-on, ne sent pas la nostalgie, voire le fétichisme régressif ? Impossible d’avoir ce sentiment à l’écoute de Magic Potion : l’authenticité est bien au rendez-vous, et la tradition n’est là que pour donner un support à une expression actuelle. On pense évidemment aux White Stripes, dont la formation instrumentale est exactement celle des Black Keys. Mais là où Jack White (sur scène du moins) évoque les hurlements d’un Little Richard, le chanteur-guitariste Dan Auerbach lorgne plus du côté de Gene Vincent ou Carl Perkins, voire carrément de la soul. Mais la comparaison s’avère plus cruelle lorsqu’il s’agit du songwriting, car les faux frère et soeur aux rayures rouges et noires ont ici une supériorité évidente, d’autant plus que leur éclectisme contraste avec la « formule » à laquelle les Black Keys se tiennent avec rigueur. Malgré tout, ce choix n’est sans doute pas moins respectable, et une telle comparaison a d’ailleurs sa part inévitable d’arbitraire ou d’injustice… Dans leurs plus beaux moments (“You’re The One”), les Keys sont capables d’évoquer Marc Bolan ou John Lennon, pour la recherche de l’épure et du retour aux sources qu’il a poursuivis tout au long de sa carrière solo.Le problème est surtout que, malgré l’excellence vocale de son chanteur, l’émotion est rarement au rendez-vous du blues-rock des Black Keys. On reste loin, très loin, du choc qu’avait pu provoquer l’irruption d’une P.J. Harvey, aux références musicales comparables. Des chansons comme “Strange Desire” » ou “The Flame” parviennent toutefois à sortir du lot : leur rythme lancinant parvient à dégager une certaine poésie, sans doute également parce que la guitare s’y fait un peu plus discrète. Celle-ci, qui évoque volontiers Hendrix et Led Zeppelin, en profite pour leur emprunter de manière assez flagrante quelques riffs, au prix parfois d’une certaine lassitude. Mais l’originalité de la démarche des Keys est bien de nous épargner une énième imitation des hurlements de Robert Plant. A l’écoute de ce mélange qui ne perd jamais totalement sa saveur, on se prend d’ailleurs à déplorer tout ce que le rock a pu perdre en laissant les vociférations des hard-rockers préempter l’héritage du blues.Pour le reste, les rabat-joie ne manqueront pas de bons arguments pour ramener les Black Keys à leur juste place. Mineur ? Certes. Un brin passéiste ? Sans aucun doute. Répétitif ? Assurément. Mais la potion des Keys est aussi simple et efficace que le rock’n’roll. Et ils ont tout juste ce qu’il faut de talent et d’énergie pour qu’on se laisse prendre à leur jeu. (pinkushion)