C'était un p'tit gars tout ce qu'il y a de plus sympa. Il habitait un joli petit immeuble dans un quartier assez calme c'est à dire loin des barres, des périphéries où sont concentrés ceux que son père avait pour habitude de qualifier de gueux. Il faut dire qu'il n'y a pas si longtemps c'était là qu'ils vivaient. Pour le dabe ce nouveau quartier, cet appartement sonnaient un peu comme une revanche une première marche dans une ascension en cours. Pour la maman impossible de bien savoir, de bien comprendre, elle semblait subir. C'est plaisant de vivre dans une petite ville de province non loin des montagnes. Philibert avait de la chance, l'été brillait dans le ciel, dans son cœur et dans quelques jours il aurait quinze ans. Installé sur le balcon il rêvait quand un bruit venant du bas de l'immeuble attira son attention.
- Hey Sandrine, tu vas où ?
- Salut Phil, ah ça je peux pas te le dire, c'est un secret !
- Ah bon, mais...qu'est-ce que tu racontes ?
La jeune fille ne lui laissa pas le temps d'en dire plus. Elle enfila son casque grimpa sur la petite Chappy garée à côté de la Renault5 de sa mère, un coup de kick et ciao, à la r'voyure mon pote !
Alors le ciel perdit son éclat, la lumière pourtant chatoyante devint triste car aussi vrai qu'un paysage gris et terne peut être beau, le même sous une lumière éclatante peut être déprimant. Ce sont le cœur et l'esprit qui décident des beautés environnantes tout le reste n'est que littérature. Frustré de voir celle qu'il aimait en secret lui faire faux bond sans même un mot gentil ou une promesse de retour Phil s'enferma dans une grisaille intérieure que l'ambiance familiale délétère n'améliorerait certainement pas.
L'anniversaire avait été tellement réussi une parenthèse de bonheur. Jamais il n'aurait pensé avoir de si beaux cadeaux. Un teppaz flambant neuf synonyme de liberté d'écouter de la musique seul dans sa chambre mais surtout le sourire de Sandrine quand elle lui avait remis pour présent un album des Beatles "Magical Mystery Tour" :
- Tu vois le secret c'était ça, l'autre jour je partais t'acheter ton cadeau !
Et plus tard dans l'après midi au milieu des rires des copains cette vague promesse, ce oui si faible à sa demande.
Le lendemain Phil écouta cet album qui résonnait déjà en lui avec force. Une fois, deux fois...
Il se surpris à remettre "The fool on the hill" et "Your Mother should know" au moins dix fois. Cette ambiance triste et nostalgique, ces mélodies simples, cet air de flute, ce dadadada l'emmenaient au cœur d'un océan de douceur ou flottait un sourire. "I am the walrus" lui parlait de quelque chose qu'il ne comprenait pas, "Hello Goodbye" et "All you need is love" le faisaient chanter en douceur alors que "Blue jay way" et "Strawberry fields forever" le transportaient dans un monde étrange onirique et nauséeux. Ce disque était comme une prise de conscience inconsciente, un regard sur le monde par les yeux d'une musique dont il n'avait pas l'habitude comme un sixième sens : un cadeau !
L'après midi passa bien vite et le samedi suivant il reçut une décharge de bonheur, comme un choc électrique, un souffle de vie quand il sentit les bras de Sandrine serrer sa taille sur la mobylette qui les emmenait loin, si loin...vers une terre où les champs de fraises s'étalaient à perte de vue.