Elle aura eu le temps de mûrir cette critique de Pond. C’est finalement après plus d’onze mois d’écoute, de recul, de réécoute et de perceptions de toutes les subtilités de Man It Feels Like Space Again que je prends la plume (ou du moins le clavier) pour partager mon ressenti de ce que je considère comme le meilleur album de l’année. Bien sûr, Tame Impala, Kendrick Lamar, Fuzz, Girl Band, Thee Oh Sees, Feu Chatterton et consorts ont également illuminé mon année musicale, mais jamais ils n’auront réussi à atteindre l’état de grâce dans lequel m’a mis le sixième album des petits gars de Pond. Il n’aura suffi à ces australiens de composer que neuf morceaux pour me transporter dans une autre dimension, plus flamboyante, cosmique et évidemment psychédélique. C’est là toute la magie d’un album inscrit dans la continuité de leurs précédentes -et déjà excellentes- productions, tout en renouvelant une image et un style qui trouvent ici leur apogée.


Partageant certains membres de Tame Impala, Pond n’a jamais cessé d’être dans leur ombre ou comparé aux new-yorkais de MGMT. Avec Man It Feels Like Space Again, ils s’émancipent clairement de leurs modèles pour trouver une indépendance et un goût prononcé pour un psychédélisme spatial rigoureux. Il est surprenant alors de savoir que cet album a été conçu avant Hobo Rocket (précédent album) alors que ce nouvel opus trouve une ligne bien plus cohérente dans son délire, proposant une salve de morceaux tous plus enthousiasmants les uns que les autres. Rien n’est à jeter ici tant les petits gars aiment à s’égarer dans des méandres pop, rock, funk, electro et même folk. En osant s’aventurer dans des territoires inconnues, ils s’éloignent de leur pop psychédélique indé qui aurait pu devenir lassante à la longue. Le choix de sortir cet album après Hobo Rocket n’est pas anodin puisque le groupe souhaitait retravailler ses morceaux et leur apporter une touche de sérieux, et de « dark » de l’aveu-même de Nick Allbrook, chanteur et guitariste du groupe. Au final, Man It Feels Like Space Again prouve qu’on n’échappe pas à son identité tant cet album se révèle être toujours autant le joyeux foutoir illuminé d’australiens visionnaires et délirants. Une diversité musicale qui fait plaisir à écouter et dont il sera impossible ici de reprocher la linéarité, tant cet album apporte son lot d’émotions différentes.


La sensation d’écoute de cette balade australienne peut être perçue comme le décollage d’une fusée avec une introduction explosive et terre-à-terre (Waiting Around for Grace) jusqu’à cette conclusion galactique en apothéose (Man It Feels Like Space Again), point d’orgue d’un album magistral. Le fait de ne pas se reposer sur une identité singulière fait que l’album se révèle être une explosion de sons, de goûts et de couleurs (foncez voir les clips !) qu’il serait fort dommage de passer à côté. Chaque morceau diffère radicalement du précédent et apporte son lot de sensations diverses et variées, allant de la mélancolie au trip sous acide en passant par des tubes dansants réjouissants. Peur d’être déconcerté par cet album, et l’ouverture par Waiting Around for Grace, voyage illuminé aux allures de Flash Delirium de MGMT vous fera agréablement prendre part aux festivités. Un joyeux n’importe-quoi, et l’efficacité récréatif d’un Elvis' Flaming Star vous donnera des envies de porter la banane et de galoper à travers l’Ouest Américain. Un cœur brisé, et la mélancolie slow-rock de Holding Out For You saura vous consoler. L’envie de rebondir et d’être propulsé dans les airs, et la folie borderline sous acides de Zond vous permettra d'éprouver cet état. Le planant et plus discret Heroic Shart -mais pas moins inintéressant- sera idéal pour se laisser bercer dans l’espace et le temps de l’univers hypnotique cher à Pond. La présence d’un synthé divinement maîtrisé sur Sitting Up On Our Crane mettra votre corps dans un état de transe incontrôlable. Un besoin démangeant de faire chauffer le dance-floor, et la piste disco complètement groovy de Outside Is The Right Side vous donnera la force et la vigueur nécessaire pour faire n’importe quoi sans état de conscience. Chute vertigineuse idéale pour les âmes chagrinées avec Medicine Hat, balade blues folk aux sonorités aériennes qui s’achève dans une explosion de guitares distordues magiques. Et enfin, l’apogée avec l’interminable et complexe Man It Feels Like Space Again, aventure spatiale délirante où toutes les émotions ressenties précédemment se condensent dans un seul morceau à la montée extatique croissante jusqu’à un final beau, éblouissant, sublime. A l’écoute de cet album, un critique disait qu’il n’avait qu’une envie : Chevaucher une licorne le long d’un arc-en-ciel à travers la galaxie et faire jaillir des lasers de ses mains. Pond, c’est tout ça et tellement plus encore.


Jamais un groupe n’aura aussi bien porté la mention d’OVNI tant il envoie son auditeur planer dans des expériences auditives venues d’ailleurs. Aussi électrique que Tame Impala et magnétique que MGMT, Pond n’est plus seulement à la croisée de ces deux groupes, mais une formidable proposition de psychédélisme, de sons cosmiques, et de foutoir auditive qui trouve une cohérence surprenante et délicieusement euphorisante. Avec Man It Feels Like Space Again, je vous garantis que vous allez en voir des systèmes solaires. Et sans drogues.

Softon
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le 29 déc. 2015

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