Originalité française bien particulière, High Wolf, connu pour ses expérimentations drone, psychédéliques et hip-hop, revient sous un nouvel alias, cette année, pour proposer une œuvre tribale signée aux Editions Gravats, tenu par Low Jack, cet artiste montant dont on aime faire la promotion sur le site.
Grâce à l'antonyme Black Zone Myth Chant (raccourci Black Zone MC), qu'il avait délaissé quelques années auparavant, High Wolf se permet un voyage auditif dans les espaces oubliés de notre planète, ce qu'on appelle l'exotisme. Si le projet fait notamment penser à Gang Gang Dance ou Sun Ra, c'est parce qu'il emprunte aux cultures africaines sub-sahariennes, égyptiennes, amazoniennes : des percussions extrêmement variées et au tempo rapide, faisant étonnamment songer au trap, viennent se superposer à des nappes vocales longues et profondes, le tout se bouclant infiniment sur des essais électroniques rétro-80s aux accents acides (accents acides faisant d'ailleurs songer à ce projet farfelu, dans sa dimension psychédélique indienne, qu'est ce dorénavant classique Ten Ragas to a Disco Beat, composé par Charanjit Singh).
Si beaucoup s'émerveillent sur le hip-hop expérimental de Death Grips, encore aujourd'hui, c'est qu'ils ne creusent pas assez pour trouver les pierres précieuses et fondatrices des mouvements nouveaux que caractérisent des artistes comme Black Zone Myth Chant, Shabazz Palaces ou, par exemple, l'illustre Lil Ugly Mane.
Il suffit de jeter une oreille sur l'album Mane Thecel Phares afin de se rendre compte de toute l'étendue du talent de l'artiste, celui-ci sachant garder une cohésion certaine et un style inhérent alors que tous les titres sont disparates, chacun ancré dans son propre scénario musical. Si "Orbit Slut" propose une odyssée intergalactique, "Pass Over into Nothing" s'impose comme un malaise gothique digne des plus effroyables histoires de Poe ; "If God is not Here" se présente lui comme une ode nostalgique au hip-hop expérimental d'antan (comme l'ont fait récemment Cities Aviv ou Antwon avec leurs albums cloud-rap), divin, analogique, aigu et céleste, avec toujours cette voix provenant des enfers, comme signifiant le retour à la vie d'un hip-hop depuis longtemps tapi dans les ténèbres.
Black Zone Myth Chant effectue donc un retour anxiogène, sans toutefois être aussi lo-fi et oppressant que son premier opus, Straight Cassette, qu'il avait enregistré en trois jours, probablement dans la fumée la plus opaque de ses consommations illicites. Ici, l'oeuvre est professionnelle, épurée, tout en instaurant une sensation malsaine, sataniste qui apporte une branche nouvelle au hip-hop, le evil-rap ? Le dark-rap ? Car après tant d'expérimentations dans le milieu, on a su décocher des noms tels que le cloud-rap, mais personne ne sait exactement définir le type de hip-hop dont font preuve les agressifs Death Grips, le sybillin Lil Ugly Mane, le frénétique AraabMuzik ou encore les obscurs Shabazz Palaces.
L'album est si ambitieux qu'on reste toutefois sur sa faim, on aurait souhaité un très long format, quelque chose comme une vingtaine de titres, tant on pressent que l'artiste a encore beaucoup à exprimer en ce sens (il a déjà sorti une douzaine d'albums sous le nom d'High Wolf). Mane Thecel Phares est une œuvre qui n'a pas de fin ni de début, elle paraît être intemporelle, nostalgique et futuriste en même temps, elle frustre par la satisfaction qu'elle procure...