La conquête de l'équilibre
Le Floyd abandonne avec cet opus le psychédélisme pour se tourner définitivement vers le progressif. La longue pièce finale, « Echoes », en est la démonstration éclatante, bien mieux maitrisée que l' « Atom Heart Mother » de l'album précédent, selon moi, même si je reconnais l'importance capitale de celui-ci pour l'évolution artistique du groupe. Mais reprenons les choses dans l'ordre.
Tout commence avec le flamboyant « One of these days ». Pink Floyd, toujours mou du genou et planant ? Prenez-vous ça dans la mouille, dans ce cas ! Une basse dure et entêtante, des notes syncopées, un cri guttural et une explosion finale qui vous redonne une pêche d'enfer. C'est violent, hypnotique et pourtant très musical. Un tube instrumental que le Floyd ne se privera pas de rallonger sur scène au début des années 70 dans des versions totalement dingues ! J'ai personnellement eu beaucoup de mal à reconnaitre le groupe avec cette musique, preuve agréable que leur inventivité était à son pinacle, à cette époque.
La suite a forcément du mal à s'imposer après un tel coup d'éclat: « A pillow of wind » est une gentille chansonnette folk comme le groupe en a déjà pondu un paquet, et rien ne différencie foncièrement celle-ci des autres. Les paroles sont comme d'habitude très poético-bucoliques sauf que cette fois elles parlent aussi un peu d'amour. Vraiment très peu en fait... Bref, pas vraiment ma came, mais je sais que ça plait à certains fans.
On enchaine avec « Fearless » qui est une autre chanson très douce aux paroles qui ne veulent pas dire grand chose. Gilmour prend sa voix de fausset qui ne m'emballe pas des masses et l'air est un peu trop éthéré pour marquer vraiment. A retenir, néanmoins, un court riff de guitare, tranquille et répétitif mais qui fait le taf, et l'apparition inattendue d'un choeur de supporteurs de foot.
Le Floyd revient à quelque chose de très jazzy (on se souvient du génial « Biding my time », dans le style) avec « San Tropez ». Bon swing, qui se termine sur un excellent piano de Wright, le claviériste capable de relever le niveau d'une piste à lui tout seul ! Malgré des paroles au sens totalement abscon (tentez le défi de la traduction, pour rigoler), on tient assurément là un assez bon morceau.
Avec la dernière piste de la face A, ça passe ou ça casse ! « Seamus » est un blues humoristique qui présente un chien faisant ses vocalises ! Personnellement, comme la piste est très courte, je trouve que ça passe plutôt bien, surtout qu'il est toujours agréable d'entendre le groupe revenir (hélas trop peu souvent) à ses premières amours musicales. D'autres auditeurs pourront par contre considérer qu'on se fout de leur gueule, c'est selon la sensibilité de chacun. De toute manière, ça reste du boulot anecdotique face à ce qui va arriver, là, maintenant, tout de suite, haaaaaaaaaaaaa !!
« Echoes » donc... Inutile de faire durer le suspens plus longtemps, c'est du très bon. Pas la meilleure longue piste du groupe, mais il faudrait vraiment être un pisse-froid pour prétendre qu'il ne se passe rien à l'écoute de cette pièce ambitieuse.
Une note de piano, toujours la même, pulsant comme un sonar à travers d'immenses et froids espaces. Peu à peu la guitare et les autres instruments viennent la soutenir par des accords simples qui confinent à l'apesanteur musicale. Viennent ensuite les couplets chantés par Gilmour et Wright, tout en légèreté également, qui débouchent sur un riff entêtant qui sera plagié des années plus tard par un certain Andrew Lloyd Webber pour le leitmotiv de son « Fantôme de l'opéra ». Le rythme retombe à nouveau pour un long solo jazzy de Gilmour soutenu par l'orgue de Wright. Tout se poursuit dans une nonchalance planante jusqu'à un passage cauchemardesque où l'auditeur se sent pris dans des vents stellaires inconnus. Cette ambiance monstrueuse n'a besoin que de la guitare et de la basse pour se manifester. A cette nuit de l'âme survient une renaissance solaire, une explosion d'espoir pour le moins épique, avant un ultime couplet !
Loin des arguties orchestrales d' « Atom Hearth Mother », le Floyd retrouve ici une simplicité matricielle d'où peuvent enfin s'échapper toutes les nuances de leur interprétation. Une musique qui semble parfois venir de très loin et qui, selon la légende, est synchronisée avec le final psychédélique de « 2001: Odyssée de l'espace ». Même si ce n'est pas vrai, la fusion entre la musique et les images reste assez troublante (vous pouvez facilement trouver la vidéo sur le Net).
Le nom de l'album, « Meddle » est un mélange des mots « Medley » et « Middle ». Ainsi, le groupe a-t-il enfin trouvé l'équilibre dans la profusion même de son style par un retour à davantage de simplicité, ce qui n'ébrèche pas le moins du monde sa recherche musicale. Si les pistes prisent en sandwich entre les deux tubes de début et de fin d'album avaient été aussi puissantes que ces derniers, on aurait alors tenu l'excellence auditive, de quoi flatter à jamais l'oreille figurant sur la pochette. Il s'en est fallu de peu.