A l'écoute de « As Syrians Pour In, Lebanon Grapples With Ghosts of a Bloody Past », premier titre de ce dernier album d'Ulver, j'ai immédiatement repensé à la poignante Symphonie N°3 de Gorecki... le groupe ne s'en cache pas et revendique le chef d'œuvre de ce compositeur polonais très religieux, qui se serait inspiré d'une prière à la vierge Marie retrouvée sur les murs de la cellule d'une prisonnière polonaise à Zakopane, durant l'occupation nazie.
Ce dixième album d'Ulver est en fait une commande du Tromsø Kulturhus, en collaboration avec l'Arctic Opera And Philharmonic Orchestra. On devine alors l'excitation de Garm et ses sbires à relever un tel défi : l'écriture d'une « Messe ». Composé de six titres, cette pièce musicale électro/symphonique enregistrée à cette occasion avec le Tromsø Chamber Orchestra, ne craint pas d'utiliser tous les ressorts dramatiques empruntés à différents genres musicaux. Il n'y a qu'à entendre, (toujours sur « As Syrians... ») ce violon aux accents Yiddish, pénétrer un fourmillement sonore où l'on discerne comme des loups hurlants. Le climat est pesant, triste et pourtant on se sent plonger dans une introspection bienveillante, protectrice. Le piano se fait minimaliste, les bidouillages électro soutiennent cette ambiance tour à tour angoissante et romantique, tandis que le violoncelle ronronne en boucle un motif dans la tradition d'un Steve Reich. Avec « Shri Schneider », le second titre, on entre dans un univers plus ambiant/electro qui n'est pas sans rappeler le krautrock des 70's de Tangerine Dream.
Indissociable des deux premiers titres, « Glamour box » continue dans cet esprit krautrock à base de claviers séquencés, de quelques notes de piano timide. C'est planant, expérimental, jusqu'à l'arrivée de violons. Le thème est angoissant, répétitif, comme s'il y avait urgence... le morceau se termine dans une ambiance plus orchestrale. Avec « Son of a man » et son intro à la Haendel, Ulver continue de nous faire voyager à travers les âges. S'adressant à la figure du Père (dans le sens religieux), la voix de Garm manifeste toujours autant de profondeur, mêlée cette fois ci à, des remords, de la tristesse. On le retrouvera dans le dernier morceau, le magnifique « Mother Of Mercy», où la figure de la Mère est alors sollicitée pour consoler, tel une prière, le chant y est une nouvelle fois de plus, déchirant de sincérité. Ce morceau nous sort du cauchemar « Noche oscura del alma » avec ses dissonances, l'utilisation de chants de l'après guerre, cette voix pitchée borderline qui rappelle l'ambiance moite du film d'Alan parker « Angel Heart ».
Avec « Messe », encore une fois, Ulver se joue des époques, des styles musicaux qu'il maitrise comme personne, pour servir au mieux une œuvre introspective passionnante à échelle humaine.
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