- Les années 1990 touchent à leur fin. Elles laisseront derrière elles un vaste héritage musical. Tant de choses ont été créées durant cette décennie : Le grunge de Nirvana a pris son envol, suivi du nu-metal de Korn et Deftones, le rap a gagné ses lettres de noblesse un peu partout dans le monde, l'électro s'impose au grand public après des années dans l'ombre grâce à Moby et au trip-hop, qui s'impose comme le genre le plus important de la période grâce aux premiers efforts de Portishead, Tricky, Archive et du collectif à l'origine du mouvement, Massive Attack.
Après deux productions acclamées par la critique, Blue Lines en 1991 et Protection en 1994, le trio, toujours accompagné d'Horace Andy, est attendu au tournant. C'est leur chance de prouver au monde que le dicton "jamais 2 sans 3" n'est pas qu'un dicton. Pourtant, ce n'est pas avec la plus grande des motivations qu'ils retournent en studio au cours de l'année 1997. Neil Davidge décrira la production de cet album comme étant chaotique, laissant deviner ce qui arrivera au groupe par la suite et les difficultés qu'ils éprouvèrent à produire la 4ème offrande des hommes de Bristol :
Mezzanine was a pretty sketchy album in terms of the way we worked, because the band, as reported a lot at that time, were not getting on. So I'd be in the studio working with one of the members and someone else would come in, then the person I had been working with would leave and I'd have to change the track I was working on because they didn't want to work on that track, they wanted to work on something different. Sometimes I'd be working on perhaps four different tracks in one day, which was a pretty messy way to work.
Un troisième album se doit d'être un changement dans une discographie. Surtout après deux albums qui se ressemblent autant que Blue Lines et Protection. Le troisième c'est toujours le plus important, celui qui livre le plus d'indices sur une carrière. Beaucoup de troisièmes albums sont des réussites, si ce n'est "la" réussite d'un groupe : Ok Computer est un troisième album, White Pony aussi, You All Look the Same to Me, ( ), The Downward Spiral aussi, et la liste peut continuer indéfiniment. Mezzanine se devait d'être un grand album de Massive Attack, un grand album des années 1990, un grand album tout court.
Durant 1 heure 3 minutes et 29 secondes, Mezzanine embrasse toute la musique de son époque : le trip-hop bien sûr dans ses rythmiques et son ambiance, le rock par sa production et ses sonorités, le rap, l'ambient...
Parce que Mezzanine aurait pu n'être qu'un album de trip-hop parmi tant d'autres et ne faire que conforter Massive Attack comme la tête de gondole du mouvement, la réussite de cet album n'est que plus belle. En 11 morceaux, il réussit à contenter à la fois le fan de rock, d'électro, de rap, et de musique, crédibilisant définitivement la culture du sample en réinventant son utilisation, et créant pour la première fois dans un album du genre un ambiance différente de celle reposante et mélancolique que des albums comme Dummy, Londinium ou Maxinquaye créaient. Mezzanine est reposant parfois, mélancolique souvent, mais il est aussi puissant, torturé, mélodique...
Mezzanine n'est pas que le plus abouti des albums de Massive Attack et du trip-hop, il est aussi et surtout, tout comme le Play de Moby, le témoin fabuleux d'une décennie d'innovation musicale et encore aujourd'hui, une référence absolue dans la musique électronique. Mezzanine s'impose comme étant l'album capable de réconcilier les fans d'électro avec le rock, et de faire aimer l'électro aux fans de rock. Et ce n'est pas rien.