Le début du déclin
« Mirrors » est non pas une plantade, mais sans doute l’album le plus faible de Blue Oyster Cult qu’il m’ait été donné d’écouter.Doux, lisse, sans génie, force, ni esprit d’aventure, « Mirrors »...
le 10 nov. 2023
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Il est des disques auxquels on a du mal à pardonner la déception initiale que l'on avait ressentie en les découvrant. "Mirrors" est comme ça, et il m'a, à l'époque de sa sortie, presque (...heureusement pas complètement...) convaincu d'arrêter d'écouter le Blue Öyster Cult, tant je l'ai perçu comme une trahison de tout ce que j'aimais chez le groupe : l'audace stylistique, l'élégance, la complexité intellectuelle, etc... tout ce qui manquait dramatiquement dans cet album calibré pour être un succès commercial, et qui, bien sûr, ne le deviendrait jamais.
Il y a des disques qui, lorsqu'on les réécoute plusieurs décennies plus tard, après les avoir abandonnés sans remords, vous scotchent littéralement. "Mirrors" est comme ça, et je n'en ai pas cru mes oreilles quand je me suis rendu compte que la quasi totalité de ses morceaux étaient de formidables compositions, mélodiquement parlant : juste un tantinet inférieur à son magnifique prédécesseur, "Spectres", mais meilleur en fait qu'un "Agents of Fortune" que j'ai toujours trouvé surestimé, "Mirrors" m'apparaît en 2021 comme un véritable ravissement.... A condition quand même de ne pas l'analyser comme une étape dans la trajectoire du BÖC (et de fait, dès l'album suivant, le puissant et créatif "Cultösaurus Rex", l'erreur de calcul sera corrigée), mais de le prendre simplement comme un catalogue plaisant de jolies chansons.
L'histoire de "Mirrors" est désormais bien connue : à la recherche de ce succès populaire massif qui leur échappe toujours, les musiciens tournent le dos à Sandy Pearlman, leur producteur et surtout le responsable d'une grande partie de l'inspiration et de l'imaginaire du groupe. Ils font appel à Tom Werman, producteur à succès de nombre de disques de "hard rock" commercial. Plus question de noirceur, il faut que ça brille ! Werman prend Eric Bloom en grippe, l'écarte de plusieurs sessions, limite sa participation vocale dans l'album à seulement trois titres, mettant en avant les chants moins caractéristiques, plus soyeux de Buck Dharma et des Frères Bouchard, et ajoutant çà et là des chœurs féminins plus "middle of the road". Même si, et on l'a régulièrement critiquée, la production de Pearlman était loin d'être la plus efficace, elle avait néanmoins été au cœur de la musique du groupe, et son absence au profit d'un son aussi propre, aussi passe-partout allait révulser les fans, sans conquérir pour autant un nouveau public.
On remarquera aussi que, sans doute en phase avec le "départ" de son complice Sandy Pearlman, le génial Albert Bouchard est lui aussi absent des compositions (à l'exception notable de l'efficace "You're Not the One (I Was Looking For)"), dépouillant encore plus "Mirrors" de son "essence Blue Öyster Cult, et accentuant son aspect pop californienne, caractéristique de la musique de Buck Dharma. Heureusement, les compositions de ce dernier sont toutes excellentes - on l'a dit -, avec en particulier un "The Vigil" particulièrement brillant, qui, dans un autre contexte, aurait pu devenir un autre grand classique du groupe.
"Mirrors" reste fondamentalement une erreur d'un groupe qui en est pourtant à cette époque au zénith de ses capacités de songwriting... ce qui ne l'empêche pas, avec le recul que nous offrent toutes ces décennies passées, d'être un album excessivement plaisant.
[Critique écrite en 2021]
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Une secte qui vous veut du bien, le Blue Öyster Cult
Créée
le 27 déc. 2021
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