Le sixième album de Blonde Redhead arrive à point nommé pour redorer le blason quelque peu terni du label 4AD, nouveau refuge du groupe après quatre ans d'absence, et lui assurer de nouveau un certain succès artistique et, souhaitons-le, commercial. À l'écoute des onze titres, une évidence s'impose : les frères jumeaux Amedeo et Simone Pace et la belle Kazu Makino ont adouci le propos, gommé les scories, et constitué une oeuvre majeure de leur discographie. En interview, le trio avoue même s'inspirer des compositeurs français, Georges Delerue et Michel Legrand en tête. Dès l'introduction feutrée de Elephant Woman, le décor est planté, comme si Gainsbourg remplaçait Jim O'Rourke dans Sonic Youth, ou comme si Shelleyan Orphan s'était égaré dans l'East Village. La fureur sonique des débuts a laissé la place à des compositions plus matures et apaisées, des arrangements subtils. Le déluge est toujours présent dans la musique du groupe, mais il s'agit désormais d'une colère rentrée, d'un chaos susurré. Le chant de Kazu, à la limite de la rupture, distille un climat de mal-être, un angoissant sentiment d'étouffement, comme sur Melody(Nelson?). Parallèlement, la voix d'Amadeo imprime de son inconsolable tristesse les morceaux les plus réussis de Misery Is A Butterfly. L'évolution mélodique, déjà perceptible hier, mais aujourd'hui manifeste, devrait enfin assurer une place de tout premier ordre dans le paysage musical à nos trois New-Yorkais d'adoption, loin devant tous les apprentis bruitistes. (Magic)
Sixième album pour ce trio new yorkais pluriethnique (Deux Italiens et une Japonaise) qui a pris son temps pour sortir ce Misery is a Butterfly, quatre ans. Autant le dire tout de suite, l’attente des fans a été largement récompensée, on a en effet affaire ici à un album tout simplement magnifique. Un disque qui sort chez 4AD, véritable gage de qualité puisque c’est sur ce label que se sont fait connaître des noms tels que Pixies, Cocteau Twins ou Dead Can Dance. Comment commencer cette chronique pleine d’éloges ? Peut-être en définissant la musique de Blonde Redhead… Une pop minimaliste, mélancolique, douce, avec deux voix mixtes. Du moins sur cet album, car les autres étaient plus rock, plus sonic-youthesques. Ce Misery is a Butterfly est donc une petite (r)évolution dans le monde de Blonde Redhead, plus "luxueux" que ses prédécesseurs, plus propre avec ce son impeccable qui met en valeur la moindre sonorité. Les New Yorkais ont de l’experience mais savent rester simples. Onze titres, tous assez courts mais profonds (le plus long fait 6 minutes) oscillants entre pop et post rock avec une palette de sons variée, on va du piano aux cordes frottées en passant par des instruments difficilement identifiables, peut-être des xylophones, des cuivres ou des bidouillages electros ; peu importe en fait, puisque le tout sonne très chaleureusement, on est à des années lumières de la pop electro trop souvent froide et sobre. Quelques titres dynamiques viennent nous agiter doucement et nous rappellent que Blonde Redhead est bien un groupe de rock, malgré ce chant féminin chuchotté, un peu bjorkien, rattrapé quelques fois par cette voix masculine mais efféminée, on nage constamment en pleine douceur mais ce disque est loin d'avoir un effet soporifique. Des mélodies simples mais belles, on se demande pourquoi aucun autre groupe n’y a pensé auparavant, même pas les Beatles ! Ecoutez le titre Maddening Cloud, vous comprendrez. Un titre, un tube. Disque incroyable, touchant par sa simplicité et sa sincérité. Rien n’est exagéré, la mélancolie ne se transforme jamais en déprime, la douceur n’est jamais acidulée, les sonorités, bien que variées, sont toujours savamment dosées. Bref, le parfait équilibre pour ce Misery is a Butterfly, très certainement le meilleur album de Blonde Redhead. Un groupe a inscrire désormais dans la courte liste des grands noms du rock. (liablility)
Un papillon s’égare dans une maison close du temps des années de la prohibition. Derrière des allures provocantes, les blonde tête rouges s’adoucissent mais ne se ramollissent pas. Le clan des frères Pace et la meneuse de revue Kazu Makino ont toujours su jouer avec nos nerfs. Avouons avec un certain plaisir sado-maso que le trio de l’East Village désoriente avec maestria ses fans, que ce soit musicalement, visuellement ou contractuellement parlant…Faisons un petit topo : après avoir été ballotté un peu partout de label en label (Touch & Go, Smells Like…) , il est tout d’abord assez surprenant de constater que ce sont les anglais de 4AD qui ont finalement raflé la mise pour ce très attendu sixième album des blonde têterouge. Bien sûr, le label des Pixies reste une élogieuse adresse, mais l’univers du groupe ne s’apparente pas vraiment avec les signatures passées. Qui plus est, après avoir traversé plus d’une décennie en pilote automatique, 4AD redort donc son blason en signant quelques valeurs sûres via les Mountain Goats, et plus récemment Scott Walker. Peut-être que la série interminable de best of exploités dans leur back-catalogue aura finalement servi à réinvestir dans de la viande fraîche. Enfin bon je m’égare… revenons à nos poulains.
Second constat, alors que le revival garage en était à ses balbutiements voilà quatre ans et que bon nombre de ces groupes revendiquaient les premiers albums du trio, nos amis ont pris tout le monde à rebrousse-poil en publiant des disques de plus en plus portés sur des tempos ralentis et des mélodies à la fois douces et torturées. On peut aller encore plus loin dans la perversité : c’est avec l’aide du Fugazien Guy Piccioto que le groupe a produit ses deux albums les plus pop à ce jour. Avouez qu’il y a quand même de quoi en perdre la boussole.
Vu la qualité croissante des livraisons, Misery is a Butterfly était donc un retour attendu en fanfare. Quatre années séparent cette nouvelle galette de Melody Of Certain Damaged -si l’on excepte le EP Mélodie Citronique paru en 2002. La direction musicale du groupe suit le cheminement de sophistication entamé sur l’album précédent et s’écarte de plus en plus des dissonances à la Sonic Youth (Steve Shelley fut le parrain des deux premiers albums) pour se diriger vers une musique plus caressante mais pas moins perverse. Pendant que Kazu Makino s’amuse à composer des compositions bubble-gum au sein des remarquables Enon , les deux frères jumeaux italiens Amedeo & Simone Pace se sont découverts une passion pour le fignolage subtile, les pianos baroques et les clavecins poussiéreux. Le goût prêté ici pour les matières nobles et les cabarets coquins rappelle le This is hardcore de Pulp, seule véritable référence perceptible. Uniquement constitué de ballades, il règne tout au long de ce disque une ambiance sulfureuse de vieux film érotique des années 70 : rien à voir quand même avec du Max Pecas, mais peut-être bien du Pasolini.Cette formule répétée ici tout au long du disque pourrait se révéler assommante, mais la voix de Lolita de Kazu Makino maquille de dérision ce registre. Forte tête, la jolie nippone veut à tout prix que l’on concentre notre attention sur elle, en dépit des magnifiques arrangements. Celle qui s’amuse à pousser sur scène des gémissements à réveiller la libido d’un centenaire, aurait sans nul doute fait une muse parfaite pour Gainsbourg. Sur « Doll is mine » et « Falling Man », elle s’eclipse pour laisser le chant à Amadeo, qui n’en possède pas moins une touche très féminine. « Misery is a Butterfly », ballade aigre noyée sous des cordes répétitives se révèle rapidement additive, tout comme le premier single tiré de l’album. « Anticipation », qui vogue sur des trajectoires New Wave, est peut-être bien le sommet de ce disque, mais Misery is a Butterfly est le genre de disque auquel nous sommes bien embêtés lorsqu’il s’agit de démarquer un titre de l’ensemble. La sublime pochette du disque pourrait résumer à elle seule son : une jeune fille de petite vertu entrouvre une porte et nous invite à pénétrer dans sa chambre pour assouvir nos désirs de luxure. Une sollicitation que nous, pauvres sexes dominants, sommes incapables de résister… de l’érotique chic en somme. (pinkushion)
Il aura donc fallu attendre près de 4 ans pour qu’enfin arrive le successeur de "Melody Of Certain Damaged Lemons". Quatre longues années sans rien (ou presque) à se mettre sous la dent avant qu’enfin Kazu Makino et les frères Pace, orfèvres pop et prétendants au trône de plus grand groupe de l’univers, daignent finalement sortir de leur tanière. Rassurons-nous, cette terrible attente n’aura pas été vaine tant il semble que durant cette éprouvante période d’hibernation leur chrysalide pop-noisy lumineuse se soit transformée en papillon céleste. Secondés aux manettes par Guy Picciotto, génial démiurge échappé de Fugazi déjà à l’œuvre sur "In An Expressive Of The Inexpressible", les Blonde Redhead nous offrent une nouvelle fois la lune. Soit un opus aérien à haute teneur en mélodies solaires, une galette aux allures de space cake, une capsule spatiale enchantée. "Misery Is A Butterfly", c’est un peu "Bienvenue dans l’hyper espace". Au gré des compositions, on passe de la contemplation béate ("Anticipation", ou le très pop "Maddening Cloud" et sa batterie déchaînée), à la tristesse la plus insondable ("Messenger", "Falling Man") avec cette délectation propre à la dégustation des grands crus millésimés. Comme à l’accoutumée sur les albums du trio, on retrouve avec un même plaisir ces chansons bouleversantes qu’on jurerait chippées à un convoi d’anges sous hallucinogènes : les arrangements de cordes, complexes et chatoyants, sont de toute beauté, et le reste de l’orchestration est du même acabit. Se démarquant définitivement de l’ombre parfois envahissante de leurs parrains Sonic Youth et de la scène noise new-yorkaise (les guitares, autrefois omniprésentes, s’effacent ici au profit de claviers enchanteurs), le groupe donne enfin la mesure de son indéniable talent, et signe avec ce sixième album au doux parfum d’Eden son plus beau disque. Magistral. (popnews)