Blonde Redhead est un groupe Surréaliste, il n'y a qu'à voir le livret de ce dernier album pour s'en persuader. Il n'y a qu'à se rappeler les origines même du groupe (italo-nippo-américain) et se remémorer l'histoire du groupe et le revirement opéré avec Melody of Certain Damaged Lemons. Le néo-trio (le bassiste Maki Takahashi avait alors pris ces cliques et ses claques ) abandonnait alors le son noise qui avait placé Blonde Redhead comme les fils spirituels de Sonic Youth. Ce sixième opus parfait cette révolution. On ne trouvera pas dans ce Misery is Butterfly de dissonances mais bel et bien ces arrangements à la fois précieux (cordes, clavecins) et tourmentés qui deviennent l'équivalent musical du travail d'écriture de Huysmans ou de Oscar Wilde. D'ailleurs, si je prends des exemples littéraires fin 19e siècle, ce n'est doublement pas sans raison. D'abord, car à grands coups de mélodies en mode mineur, Blonde Redhead réactualise ici le spleen Rimbaldien et la décadence Victorienne. Ensuite, parce qu'on aura tout simplement du mal à leur trouver des équivalents musicaux (And Also The trees ? Perry Blake ? Mercury Rev ?) tout en trouvant totalement cohérent que le groupe se retrouve désormais sur le label 4AD (ici plus celui de This Mortal Coil que celui de Pixies). Le groupe peut en tout cas toujours compter sur le timbre d'alien de sa chanteuse nippone auquel s'ajoute celui meurtri d'Amadeo. Mais, et c'est à cela que l'on se dit que Blonde Redhead est vraiment un groupe majeur, à aucun moment Misery is a butterfly ne tombe dans le pompiérisme ou le décorum. Le trio ne se perd jamais dans des ornements stériles. Le monde de Blonde Redhead est naturellement fait de portes dérobées et de passages secrets. D'ailleurs, Equus, plus immédiat et détournant à son compte des clichés rock, n'a besoin que de peu de volutes pour frapper. Profondément et durablement, Blonde Redhead a marqué d''une pierre noire l' année 2004.