Mettez vos basse électriques au placard, rangez votre kit de batterie, oubliez vos pédales d’effets. Nous voilà embarqués dans un trip acoustique, pour orchestre à cordes, percussions légères, avec une diva créole aux pieds nus, maîtresse femme et llead vocal. Succès inattendu, qui semble avoir lancé la mode du tout « acoustique » actuel. Depuis tout le monde y va de son combo acoustique, avec des rifs de guitares unplugged, et des instruments et des rythmes plus ou moins exotiques. Tout le monde s’y est mit à ce retour aux sources, avec un évident souci de de proximité, moins de machines. Ici point d’exotisme. Cesaria nous raconte son histoire, qui est celle de son pays, que beaucoup ont découvert à l’occasion, et on a l’impression d’être invités à la maison. Cette voix fragilisée, qui cassée par l’alcool, et qui sent le vécu, la vie, sans chichis, sans vibes pour faire joli. Cesaria est désormais entrée dans le top de la musique pop mondiale. Debout et statufiée dans une robe ample, une couleur sépia, comme pour arrêter le temps d’un moment les horloges, et entendre quelque chose qu’on n’a jamais entendu, comme ça, avant.
Pas de pathos, mais la saudade, un mot difficile à traduire apparemment. Certains ont essayés en disant blues. Se serait du blues créole, mélangé, métissé, la souffrance sublimée par l’art, encore une fois le blues sert d’étiquette. Des rythmes complexes et syncopés, qui semblent faciles car dansants. Chapeau à ses pianistes, soit-dit en passant. Un sacré boulot qu’ils se tapent. Cumpade Ciznone, ressemble réellement à une biguine, une autre forme de biguine. J’entends les Antilles dans ce morceau. Luz Dum Estrela, c’est presqu’un piano-voix, c’est la beauté des guitares en sourdines, avec des mélodies taillées dans de la dentelle. Superbe. Angola. Tube niveau mondial, repris un peu partout. Un tapis de guitare, et de cavaquinhos, de piano de bastringue, avec le violon, discret, mais présent dans les arrangements. De la dentelle ses arrangements, arriver à faire se mettre d ‘accord toutes ses cordes, et en ressortir le meilleur. Et voilà comment une femme ben campée sur ses deux jambes, et une voix venu d’ailleurs, faisait découvrir le Cap-Vert au monde, et le monde au Cap-Vert. Les autorités du pays n’en avaient rein à foutre d’elle, et après le succès, évidemment c’est devenu un trésor national.
Le succès étant là, les errements des uns et des autres, on va dire que c’est pas important, mais qu’est-ce qu’il faut trimer avant de gagner quand même. Et je peux vous dire que ce type d’album vintage, qui sent la terre, la sueur, le soleil qui te brûle la tête, les nuits blanches de pleine lune, le mauvais alcool, ça change de la soupe MTV. C’est bien Stroamé qui disait qu’en l’écoutant qu’il a compris qu’on pouvait se faire aimer, partager sa musique, sans parler ou chanter en anglais. Comment ne pas ? Une sensibilité qui se ressent dans tous les phrasés, sacré interprète, cette Cesaria. Tortura, avec sa mélancolie, vibrant et déchirant…What else ?
Marabeza m’a bercé comme un bébé, et pourtant ce n’est pas une berceuse. J’entend le Brésil, à cause de ces petites guitares, au son très typées, j’entends le Portugal, j’entends un pays partagé entre plusieurs cultures, plusieurs continents. Certains ont même employés le terme de fado africain, pour tenter de définir le style de la dame, et surtout l’enfermer dans une case.
Bienvenue au Cap-Vert donc. Recordaï qui coule comme une rivière, et les chœurs, à qui on a suggéré d’être discrets. Magnifique. J’ai écouté l’album par curiosité, Cesaria n’étant pas mon artiste de prédilection, pourtant je prends ma claque, il faut l’avouer. C’est ça la différence entre écouter quelqu’un à la radio, trouver ça très bien, voir un concert à la télé, et se dire que c’est très bien, et écouter un album, et se rendre compte qu’il est authentique, et qu’il fait école. Bienvenue au Cap-Vert.
Les morceaux sont différents, avec tous un lien de parenté évident, ce balancement de guitare, ces rythmes syncopés, ce tempo rassurant, c’est une caresse, ce tempo. Et cette voix qui vient d’outre tombe pour réconcilier tout le monde autour de son chant d’amour pour son pays. Et des mélodies qui entrent bien dans le crâne…à défaut de comprendre les paroles. Comme quoi la mélodie. Il y a des accents qui me rappellent la musique cubaine sur Bia. Ce piano qui sonne comme un piano de bar, au milieu des vapeurs d’alcool et de cigares, et la chaleur de cette voix ô combien communicatrice.
C’est le genre d’album qu’on peut écouter et réécouter, et on se rendra alors compte qu’on a affaire à une artiste d’envergure et le réécouter encore. Bordel de bonsoir ! Et dire qu’on a faillit passer à côté. Merci à son producteur. Comme quoi la patience et le talent, ça paie, parfois.