Encore un album qui est passé en boucle. 1985, j'entame l'adolescence, tout frais garni d'acné juvénile. Et Mistral gagnant est à l'époque un album de chevet.
Je n'appréhende évidemment pas Renaud, et notamment cet album de la même façon aujourd'hui. Alors même que j'ai choisi de réécouter petit à petit toute sa discographie studio, et que le Renaud d'aujourd'hui a tellement changé, je regarde ça avec un mélange de tristesse et de nostalgie.
Renaud, comme l'indique la dernière chanson de cet album, est fatigué, rangé des voitures, déloubardisé, rentré dans le rang. Il reste tendre, taquin, agressif, drôle mais le système n'est plus changeable, il est juste dépressivement présent. C'est un rouleau compresseur qui a fini par l'avoir.
"Mort les enfants", "P'tite conne", sont les titres qui montrent ça. Il n'y a plus d'envie de faire autre chose, juste un témoignage de la merde infâme.
Alors, autant se réfugier dans la vie de famille ("Mistral gagnant", indépassable, "Baby-sitting blues", rigolo), ou la rigolade avec les potes ("Si t'es mon pote"). Plus quelques pochades.
Au final, le pire titre, c'est celui qui ouvre l'album, et qui a fini en 45T (oui, 45T, parfaitement) : "Miss Maguie". Je trouve que Renaud se fourvoie dans une charge peu inspirée contre Margaret Thatcher (et Dieu, s'il existait, me serait témoin que j'ai peu d'amitité pour les réalisations de cette dame), sans finesse, sexiste, et même une mélodie poussive.
Si je mets Mistral gagant de côté, qui reste magnifique, indémodé (ce qui n'est pas toujours le plus facile dans les opus de Renaud), je trouve que Fatigué est sa meilleure chanson. Un truc très punchy dans la mélodie, les arrangements rock, et les paroles. Une verve, une poésie, que je mettrais bien dans la lignée de la chanson réaliste du meilleur acabit, le rock en plus.
Le virage libéral de Mitterrand avait achevé de nous faire croire en des lendemains qui chantent.
C'est fini, maintenant, Renaud a renoncé, tout est perdu.