soyez heureux de ne pas aimer

Comme Fauve en son temps, Magenta est un groupe qui divise. Beaucoup trouvent agaçant le chanteur qui geint et qui chouine. Je comprends très bien qu'on puisse ne pas apprécier ce genre de paroles et de chant. J'ai davantage de mal à comprendre comment on peut trouver ça pénible. Ceux qui n'aiment pas devraient être tellement heureux de ne pas aimer. Car oui, la dépression fait partie intégrante de Magenta, comme elle était importante chez Fauve. Je suppose qu'il est difficile d'apprécier cela sans avoir une part de mélancolie ou / et de dépression en soi. Ne pas être concerné devrait être considéré comme un privilège. Je pense que pas mal de critiques ne voient pas ce côté et pensent à une crise d'ado mal dans leur peau perpétuelle.

Je suis pour ma part très touché par ces paroles et je trouve très bonne l'idée d'en faire une musique dansante. Et c'est là le gros point positif de l'album, la musique est incroyable. Les mélodies percutantes de Assez ou Boum Bap sont vraiment superbes. Et les paroles qui accompagnent sont vraiment belles. Que ce soit pour "Assez" :

• Est-ce que c'est assez, ou suffisant ?


• Est-ce que c'est assez, puissant ?


• Pour te retenir, ici-bas, avec moi ?


• Pour te maintenir, intact, en état ?

On peut difficilement faire plus puissant et intense. Le faire sur une musique électronique aussi belle et dansante, ça rend le projet assez incroyable. C'est évidemment le projet de Magenta : le besoin d'exprimer cette mélancolie pour la combattre. Et la combattre aussi par une musique festive, une grande fête pour réunir les bancals et les faire tenir debout.

Il y a également des paroles plus sociales, qui rendent les textes bien plus puissants à mon goût. Comme dans Boum Bap :

• Qu'est-ce qu'il faut que je fasse de ma Vie?


• Est-ce que j'ai passé l'âge?


• Et l'autre qui me dit


• "Investis dans la pierre


• Ou les parkings c'est un bon plan


• Mais qu'est-ce que tu me saoules frère?


• Je vais tout claquer


• Je m'en bats les couilles


• Je me donne deux ans"

Quand on commence à creuser sur le pourquoi du mal-être, ça rend tout de suite le tout plus intéressant. C'était un des défauts de Fauve et également celui de Magenta : ne pas s'attaquer aux racines de cette mélancolie. Le manque de sens de la vie n'est jamais loin mais toujours esquivé. François Bégaudeau critiquait déjà Fauve dans un de ses livres. Cette critique reste d'actualité :

Tu es une chanson de Fauve sur nos espoirs déchus - quels espoirs et déçu comment on ne le saura pas.

Si Fauve parle de grands soirs dans Monogramme, j'aurais tellement aimé qu'ils parlent du pourquoi ces grands soirs sont une exception. Pourquoi on trouve l'existence aussi fade. D'où vient cet énorme besoin d'autre chose ... Imaginez un album qui vient chercher des réponses à tout cela, ce serait un projet tellement beau et puissant. Même si en restant à la surface du problème, ils ont su faire de si belles choses avec Fauve et Magenta, imaginez ce qu'ils peuvent faire en poussant vraiment ces sujets. Cela offrirait de belles chansons critiques sur la société mais surtout des visions de ce que pourraient être leur société rêvée, une vision beaucoup plus concrète et nourrissante que celle esquissée dans les "hautes lumières".

Deux chemins se profilent : celui de rester à la surface des choses, c'est beau mais cela laisserait un sentiment d'inachevé ; soit ils vont décrocher les hautes lumières.

Je ne peux pas finir cette critique sans parler de "Avant", la musique y est vraiment sublime, les paroles nostalgiques sont superbes. C'est vraiment mon gros coup de cœur de cet album. J'espère que c'est vers cela que le groupe ira dans le futur. J'aime beaucoup "Fatigué" et ses paroles très dures sur un fond dansant, mais la musique n'y es pas aussi léchée et envoutante que dans "Avant", "Assez" ou "Boum Bap".