En 1994, R.E.M. avait marqué le coup avec ce qui est son album le plus agressif ici, et entrait donc dans la fosse bouillonnante d'un rock revenu à la charge depuis une paire d'années et quelques. De ce "terrible" Monster, s'ensuivit alors une tournée mondiale du groupe, la première depuis six années et la bande à Stipe semblait pouvoir disputer la couronne de plus grand groupe international avec Oasis, U2 ou Depeche Mode à en avoir lu la presse musicale ici et là à cette période.
Mais les années ont eu raison de ce neuvième album, comme si le fauve qui orne la pochette se serait révélé en fin de compte n'être qu'un gentil animal de compagnie, un peu costaud certes. Il aurait fallu au disque un traitement plus adéquat pour faire mieux ressortir la bête à l'époque. Ainsi, sans doute apprécierions-nous encore et à juste saveur les titres tels que "What's The Frequency, Kenneth ?", "Star 69", "Bang And Blame" et "Circus Envy", ce dernier qui n'aurait pas démérité la comparaison avec le "Raw Power" d'Iggy And The Stooges de 1973, grâce à sa rythmique coup de reins et ses à-coups de guitare. Mais dans cet ensemble de rock garage gentiment rugissant, l'agacement vient surtout en écoutant "Strange Currencies", ballade presque similaire au "Everybody Hurts" de l'album précédent, avant que le piano et l'orgue de "Tongue" ouvre doucement la seconde moitié du disque qui s'affirme comme le côté le plus intense de l'oeuvre avec "Let Me In" au sommet.
Toutefois, on ne peut jubiler qu'à moitié tant cette bête d'R.E.M., bien qu'agressive et acérée, se retrouve contrainte d'attaquer avec des petites griffes sortant de ses pattes de velours. Tant pis !