Les frères Paul et Phil Hartnoll composent l'un des duos de musique électronique les plus novateurs de Grande-Bretagne, Orbital.
Forts d'une carrière marquée par la naissance de la culture rave et d'albums techno/électro s'inscrivant bien souvent comme des monuments du genre (notamment les deux premiers albums, Orbital 1 et Orbital 2 sortis en 1991 et 1993). Après avoir égrainés une demi douzaine de disques dans les années 2000, et un dernier album, Wonky, en 2012, le duo se sépare. Si on pensait la séparation définitive, il apparaît que les frères Hartnoll sont revenus sur leur décision fin 2016 afin de s'embarquer dans une grosse tournée live le long de l'année 2017, ce qui a rapidement conduit à l'écriture d'un nouvel album.
Marqués par l'actualité, notamment le Brexit, l'élection de Trump et l'envie de revenir à une époque plus innocente (notamment les années "rave" 88/94), les deux frères composent un nouveau disque situé quelque part entre une réaction politique, un nouvel exutoire pour jouer avec leurs nouveaux synthés et en profiter pour faire danser les gens une nouvelle fois. Le titre de l'album, Monsters Exist se veut donc comme une sorte de vision innocente du monde actuel, vision également retransmise dans la musique, toujours aussi légère et dansante.
Neufs nouveaux titres parsèment ce disque, qu'on peut aussi voir comme neufs grands thèmes. L'album démarre sur les basses froides de l'intro du titre éponyme, avant de s'embarquer dans une sorte de rythme dubstep ponctué de samples, afin de rendre le tout oppressant. "Hoo Hoo Haa Haa" renoue complètement avec le style "rave anthem" de Orbital, on se trouve là avec un titre techno très joyeux, sautillant comme le ferait "une parade de clown dans la rue à minuit, rigolo et flippant à la fois, tout comme l'Angleterre qui se dirige vers Brexit sans vraiment savoir pourquoi" (on remercie Paul Hartnoll pour l'image).
"The Raid", titre lent, sombre, presque métal et oppressant s'il en est, coincé entre deux titres techno joyeux permet de rappeler que les monstres existent bien, cachés derrière des semblants amusants. Le gros single de cet album, "P.H.U.K" (pour "Please Help United Kingdom") aurait pu être composé vers 1996 tellement il reprends la recette du Orbital 90's : intro puissante, gros beats fat et intermission sur une belle envolée lyrique histoire de faire descendre la tension vers de beaux paysages hallucinés. "Tiny Foldable City", titre plus léger, renoue avec le côté slow et onirique de l'Orbital du début des années 2000. On se retrouve là avec une magnifique musique de jeu vidéo de Commodore 64, mais sans le côté sale du son 8-bit. A noter aussi que le titre est accompagné d'un merveilleux clip qui nous fait découvrir la Grande-Bretagne vue de drone.
Passé le dispensable "Buried Deep Within" (au croisement de l'ambient et de l'électro Tangerinedreamesque), "Vision OnE" nous ramène à la grande époque de l'acid house, ou tout n'était que "E" (pour ecstacy). On retrouve là un beat mid-tempo, des basses à la L.F.O et des lignes de synthés aériennes. "The End Is Nigh", avant-dernier titre du disque, rappelle les samples vocaux du fameux "Halcyon" sur une instru à mi-chemin entre du dubstep et du M83 synthwave. Le final, sur "There Will Come A Time", est introduit par la voix du professeur Brian Cox, éminent physicien très intéressé par la physique quantique. Sur une instru toute en douceur, sa voix nous conte ce qui arrivera à nos existences. L'instru morphe peu à peu vers de l'IDM tranquille, ponctué par des breakbeats très 90's.
On l'aura compris, ce nouvel opus d'Orbital reste très marqué par le son 90's qui fera la joie des plus nostalgiques d'entre-nous. L'album, qui s'écoute bien, reste cependant inégal et conduit par ses "têtes de pont" rave que sont "Hoo Hoo Haa Haa", "P.H.U.K" et "Tiny Foldable Cities". Même si la thématique de Monsters Exist est très ancrée dans le présent et l'actualité de notre bonne vieille année 2018, la production semble être globalement restée vingt à vingt-cinq ans en arrière, dans une époque plus sereine et certainement plus inventive aussi. Si en studio Orbital tends à se mordre la queue, leurs lives sont toujours aussi fédérateurs et dévastateurs, dans le sens "rave" du terme !