Mountains
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Album de Nils Lofgren (2023)

La presque revanche d’un second couteau…

On ne devrait nullement avoir à présenter Nils Lofgren, étant donné son pedigree musical, mais ne prenons aucun risque : ce musicien de 72 ans, qui fut au début des années 70 considéré comme un jeune prodige de la guitare électrique, a publié près d’une trentaine de disques sous son propre nom depuis 1975 (dont pas mal d’enregistrements live, quand même), sans jamais réellement attirer l’attention du grand public international. Il est l’exemple de ce qu’on qualifie souvent de « musicien pour musiciens », et l’on peut craindre que son nouveau, et pourtant réellement réjouissant album, Mountains, ne changera pas grand-chose à l’affaire.

Lofgren fait partie en ce moment de deux des formations les plus prestigieuses de « classic rock », le E-Street Band de Bruce Springsteen, et le Crazy Horse de Neil Young. Dans les deux cas, il joue un rôle de « second couteau » à la guitare, derrière le Loner, voire de « troisième couteau » derrière le Boss et Little Stevie. Pourtant, Neil Young n’a jamais tari d’éloges sur lui, et ceux qui ont assisté à la dernière tournée de Springsteen savent que lorsque Nils a l’occasion de s’affirmer, même quelques courtes minutes, sur le devant de la scène, ce qu’il fait est brillant.

Le plus étonnant est peut-être que, entre deux tournées du E-Street Band et deux enregistrements de Crazy Horse, Lofgren ait eu le temps de composer et d’enregistrer les dix chansons qui composent Mountains. Le plus important, néanmoins, est que la plupart de ces chansons soient aussi spectaculaires, et engageantes, tout en restant relativement cohérentes par rapport aux styles musicaux de ses deux groupes (l’intro de l’album, Ain’t The Truth Enough, pourrait être extraite d’un album du Boss !).

L’une des caractéristiques de Nils Lofgren – qui est aussi bien une qualité qu’un défaut –, c’est son indécrottable modestie : il a ressenti le besoin d’inviter sur son Mountains ses potes prestigieux (Neil Young logiquement, mais également Ringo Starr, le regretté David Crosby, le bassiste jazz Ron Carter). C’est une excellente garantie de crédibilité, dont il ne devrait d’ailleurs plus avoir besoin, mais ça peut diluer l’attention de l’auditeur, alors que Lofgren a toutes les qualités nécessaires pour défendre ses propres chansons. Une merveille comme One Ticket Out, à la fois pleine de « soul » et implacablement guerrière, est du niveau de grands titres de Neil Young ou de Springsteen, et quand Nils part à la toute fin dans un bref solo brillant, comment ne pas déplorer qu’un tel musicien ne connaisse pas plus la gloire qui lui est due ?

On peut aussi regretter une tendance à surproduire les chansons, à les noyer sous des chœurs, alors que certaines gagneraient au contraire à être plus dépouillées : Back In Your Arms est un très beau morceau de soul music, qui ne touche jamais autant que quand la voix de Lofgren, cette belle voix usée par les années, est réellement mise en avant.

Won’t Cry No More est dédiée à Charlie Watts, mais c’est surtout un blues rock rugueux, le genre de titre roots, presque élémentaire, dont les Black Keys ont définitivement perdu la recette. Nothing’s Easy est une ballade country pas si loin de ce que nous pondait Neil Young dans ses grandes années. Dream Killer semble d’abord plus banale, mais la combinaison d’un refrain accrocheur et d’une guitare aérienne en font une réussite.

Il est dommage que l’album faiblisse dans sa seconde partie, et surtout qu’il se termine sur un titre aussi gentillet, aussi passe-partout qu’Angel Blues. Les sommets d’émotion de sa première face auraient mérité d’être mieux entourés, pour que Mountains ne soit finalement pas qu’un « bon » disque de plus, pas tout à fait à la mesure du talent – immense – de Nils.

Mais tel quel, Mountains est l’un des albums les plus simplement humains, pleins d’émotion, pleins de vie qu’on ait entendu ces derniers temps : Nils n’a clairement plus le temps – ni l’envie – de se préoccuper des modes, des apparences, il joue la musique qu’il aime, qu’il maîtrise parfaitement, pour transmettre les choses qui lui importent le plus désormais : il chante les doutes, les colères, les joies, les peines d’un homme de 72 ans. Et c’est très beau, très touchant.

[Critique écrite en 2023]

https://www.benzinemag.net/2023/08/01/nils-lofgren-mountains-la-presque-revanche-dun-second-couteau/


EricDebarnot
7
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le 1 août 2023

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Eric BBYoda

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