Music for the Masses par Strangeman57
"Music for the Masses", c'est d'abord un titre d'album ironique puisqu'à l'écoute des singles, nous sommes très loin des standards mainstream de l'époque. C'est aussi une pochette minimaliste qui prolonge cette ironie et son sens avec une esthétique soviétique dont ils sont assez friands au vue de leurs autres covers (tout comme Kraftwerk et "The Man-Maschine" dix ans avant). Et histoire d'aller jusqu'au bout de leur vision artistique, c'est également leur première sortie en CD ce qui explique sans doute le côté plus proprement "numérique" de la production.
Quant à la musique, parce que bordel oui, c'est bien de ça dont il est question à la base, qu'est-ce que ça vaut ? Et bien je suis plus mitigé que sur leur précédent chef d'oeuvre. Alors que "Black Celebration" était l'aboutissement de leur trilogie Berlinoise, ce MFTM n'est pas vraiment transitoire mais on peut plutôt le considérer comme annonciateur de renouveau, de quelques chose de très très bon. Daniel Miller, leur producteur de toujours, laisse sa place à David Bascombe qui est, excusez-moi du peu, également producteur du "Songs from the Big Chair" des Tears for Fears (pour ne citer que celui-là). Les samples industriels de Berlin laissent leur place à des sons plus symphoniques, inclus déjà dans leurs machines pour la plupart.
L'album s'ouvre par quelques sons de gratte sur "Never Let me Down Again" et d'emblée, le beat puissant qui accompagnera une bonne partie des pistes surprend : au revoir la rythmique mécanique représentative de leurs 3 précédents ! Je suis étonné car mélodiquement, le titre n'a rien d'un single et il a pourtant été le deuxième choisi pour promouvoir l'album... soit. La piste qui suit "The Things you Said" est d'un minimalisme flagrant ; c'est souvent le cas avec DM, quand ils décident de te changer de style, ils privilégient alors le côté minimaliste pour faire ressortir la chaire de leur nouvelle patte. Dans cette optique, le 2ème single "Behind the Wheel" est bien plus convaincant, obsédant et oppressant avec ce sombre duo vocal composé de Gahan et Gore sur très peu de notes.
"StrangeLove" est lui aussi un bon single, aux synthés façon Alphaville, mais l'on commence à se rendre compte d'une chose ; "Music for the Masses" n'est pas du tout un album pour les masses, il n'emporte jamais où les envolées vocales de Gahan et les compos de Gore nous avaient déjà emportés ; c'est mélodiquement qu'il semble moins inspiré car ne cachons pas qu'Alan Wilder et Andrew Fletcher font clairement leur boulot sur cet opus. Bon, n'attaquons pas non plus trop Gore, son boulot n'est qu'à moitié fait puisque ses lyrics sont encore une fois en nette amélioration. Et les titres n'en sont pas pour autant désagréables à écouter, "Sacred" et "Little 15" passent comme du petit beurre dans des épinards. (Oups, un petit problème d'expression ici, excusez-moi...)
Puis bon, "I want you now" prouve qu'ils n'ont rien perdu de leur esprit expérimental, mélangeant soupir, respirations et autres sons de bouches pour composer l'instrumentation principal. "To Have and to Hold" retrouve l'esprit sombre et inquiétant de leur "Black Celebration". "Nothing", elle, est un titre plus quelconque dans la disco des Modes, je rejoins les fans là-dessus. Enfin, on conclut sur un "Pimpf" (c'est quoi ce titre ?) sur une imitation orchestrale pas forcément de meilleur goût mais qui arrive presque à faire illusion et à nous prendre dans son évolution.
Une chose est sûre, MFTM ne vous attrapera pas aussi facilement dans ses filets que leurs autres oeuvres, c'est sûrement pour cela que je n'arrive toujours pas à me décider sur ce que j'en pense. Elle est essentielle, certes mais plutôt pensée "renouveau" que réellement inspirée. On ne leur en voudra pas pour ce passage obligé vers le chef d'oeuvre qui suivra. Et au moins, ça a été enregistré dans nos contrées françaises ! Cocorico ! Non ?