Deux ans après son très personnel 808s & Heartbreak autotuné et mésestimé, le producteur et rappeur américain revient nous livrer une œuvre particulièrement ambitieuse, un acte rédempteur faisant la part belle aux featuring et aux instrumentaux tous plus majestueux les uns que les autres. Après s'être définitivement grillé lors des MTV Video Music Awards 2009 (l'épisode Taylor Swift), et mis à dos une grande partie de l'opinion publique, le rappeur décide de s'exiler à Ohawu, Hawaii, afin de concevoir son nouvel album pour lequel près de trois millions de dollars ont été dépensés. Initialement nommé Good Ass Job puis Dark Twisted Fantasy, My Beautiful Dark Twisted Fantasy est le cinquième album de Kanye West, sorti en novembre 2010 sous le label Roc-A-Fella Records.
Composé de 13 chansons, My Beautiful Dark Twisted Fantasy est un album où tout s'entremêle. De la boite à rythmes aux guitares, du piano aux violons, du rap à la pop et de l'obscurité à la lumière, c'est bien à un formidable voyage épique auquel nous sommes conviés. Avec « Dark Fantasy » qui ouvre la marche sur un beat martial, fruit d'une collaboration avec la référence RZA, on entre d'emblée dans le vif du sujet. S'ensuit Gorgeous en featuring avec Kid Cudi et Raekwon, puis l'ambitieux « POWER » : rythme entraînant de la MPC, un sample impérial du groupe King Crimson, des paroles égotistes et une production qui n'est pas sans rappeler celle de « Jesus Walks » sur son premier album College Dropout. Un « All of the Lights » taillé pour les dancefloors, introduit par le piano d'Elton John, voit la participation d'une pléiade d'invités de renom (Rihanna, KiD CuDi, Alicia Keys, Fergie, Elton John pour ne citer qu'eux). L'imposant « Monster », dont le titre suffit à lui-même pour décrire la performance de Rick Ross et Nicki Minaj, est sans aucun doute le titre le plus rageux de l'album (« Everybody knows I'm a motherfucking monster »), et ce n'est pas un hasard s'il est placé en plein cœur de l'album. Un « So Appalled » sombre et un « Devil in a New Dress » déchiré par les solo mélancoliques d'une guitare précèdent un autre temps fort de l'album, « Runaway », pièce sensible et entêtante dans laquelle l'artiste fait son auto-critique « Runaway from me baby... runaway as fast as you can». Basé sur quelques notes de piano, une rythmique implacable, un violoncelle et un long solo de vocoder remplaçant la guitare électrique, témoin de l'inépuisable créativité de son auteur. « Hell of a Life » s'illustre surtout par son instrumental de malade, où les ténèbres viennent côtoyer la lumière, la touchante « Blame Game » par l'émotion qui s'en dégage et « Lost in the World » par ses paradoxes « You're my devil, you're my angel. You're my Heaven, you're my Hell. You're my now, you're my forever. You're my war, you're my truce ». L'album se termine sur un sample du « Comment #1 » de Gil Scott-Heron martelant un « Who will survive in America ? » révolté.
My Beautiful Dark Twisted Fantasy est une œuvre majestueuse qui surprend par l'audace, la créativité et l'ingéniosité dont fait preuve son maître à chaque instant. L'album déborde d'idées, de mélanges, à tel point qu'il ne s'agit plus seulement d'un album rap mais d'un album touche à tout, l'album d'un chef d'orchestre, utilisant le piano, les cuivres, les boites à rythmes, les instruments à cordes et les voix de ses invités pour aboutir à un patchwork musical. On pourra cependant lui reprocher ses longueurs (presque 69 minutes pour 13 chansons, plus de la moitié des morceaux dépassant aisément les 5 minutes) mais avec My Beautiful Dark Twisted Fantasy, Kanye West confirme qu'il est l'un des artistes les plus doués de sa génération.