My Favorite Things est la première collaboration entre John Coltrane McCoy Tyner et Elvin Jones, ces noms à l’oreille font frémir certains amateurs de jazz et pour beaucoup, c’est sans aucun doute l’un des meilleurs groupes connu jusqu'à ce jour. On n’oubliera pas de citer Steve Davis à la contrebasse, même si son rôle est moindre dans cet album.
On commence par le titre phare de l’album et qui porte aussi son nom, je n’aurais pas besoin de le citer, vous l’aurez sans doute deviner. Sur ce morceau la basse et le piano se contente dès lors d’un ostinato basé sur une note pédale. Cette configuration permet de libérer basse et piano d’une contrainte harmonique trop stricte tout en revalorisant par contraste le jeu débridé de la batterie et du saxophone : qui continue, lui, d’improviser sur un schéma harmonique complexe.
Dans cet album, on sent une volonté de poursuivre jusqu’au bout sa démarche d’improvisation, exploitant de courts motifs jusqu’à l’épuisement ; sur des successions harmoniques ardues, en dépit des réticences de son public et même de ses musiciens…un comble quand on pense au résultat !
Avec cette œuvre, Coltrane réussit le tour de force de maintenir un solide rapport à la tradition, tout en se dégageant un espace d’expérimentation. Nous sommes toujours dans la définition classique que donnait Ralph Ellison du jazz, pourtant peu féru d’avant-garde :
True jazz is an art of individual assertion within and against the
group.
On comprend donc que l’évolution du style coltranien au cours des années soixante n’est pas uniquement mue par une sorte de fuite en avant formaliste, typique des avant-gardes musicales au xxe siècle. Elle ne se résume pas à une dynamique « eurologique » pour reprendre un concept du musicologue George Lewis. Au contraire, sa musique ne perd jamais de vue, non pas l’écoute du public mais l’improvisation-création collective, et le beat puissant qui continue de façonner le visage du quartet.
La signature de Coltrane : une valse à trois temps extraite de la comédie musicale The Sound Of Music que Coltrane transforme littéralement, grâce au saxophone soprano, en un véritable hymne lyrique. Cet instrument qui n'avait été utilisé en studio que très sobrement sur les deux albums précédents, Coltrane Jazz et The Avant-Garde, est ici définitivement adopté. Il faut aussi accorder une mention spéciale à McCoy Tyner pour son long solo central de piano : ses myriades de notes qui scintillent comme autant d'étoiles contribuent à faire de cette simple ballade une mélopée sans fin. Après les changements d'accords, Coltrane s'immerge dans la musique modale qu'il transforme en un art ensorcelant.
My Favorite Things est un album du feu de Dieu, c'est clair. Coltrane et son quatuor emmène l'auditeur haut dans le ciel. Il serait idiot de passer à côté, ne serait-ce que pour le titre éponyme qui justifie à lui-seul l'achat de cette galette.
Sublime : c’est le mot !