L'enfant prodige du folk est de retour. Près de 8 ans après son dernier disque, Damien Rice sort de son long mutisme pour nous offrir un nouvel album très attendu. Il a récemment confié que les années suivant la sortie de "O" en 2006 et sa rupture avec sa complice vocale Lisa Hannigan ont été particulièrement difficiles, "Le succès est arrivé, j'ai perdu ce qui faisait mon innocence et je me suis égaré. Les relations avec les personnes composant mon groupe ont commencé à se désintégrer, je n'étais pas heureux alors que j'étais dans une position où j'étais sensé l'être. Et cela m'a rendu misérable."
Cette errance l'a conduite à une profonde remise en question. Il s'est exilé loin de son Irlande natal afin de se reconstruire progressivement et de retrouver sa vocation et son amour pour la musique.
Cela se ressent dès la première chanson. " My favourite faded fantasy" démarre tout en douceur, avec cette sobriété mélodique qu'on lui connaît. Désormais orphelin de sa partenaire, l'irlandais a la responsabilité d'assurer l'ensemble des vocalises, lui qui avait l'habitude de déposer sa voix par petites touches délicates comme sur "Cannonball" ou à l'inverse déchirantes tel que dans sa chanson phare "Amie". Il relève cet exercice avec brio, alternant les balades intimistes et plaintives avec des morceaux plus rythmés qui gagnent en intensité sur des crescendos dont il a le secret.
Damien Rice, c'est cette voix à fleur de peau qui nous électrise et nous émeut profondément. Dans "The greatest bastard", il se livre à son introspection. Les paroles dures "The one you hurt so much you cannot bear" témoignent de l'amertume du chanteur. Il endosse le poids de ses erreurs et assume ses regrets avec sincérité et douleur.
Les premiers accords de "I don't want to change you" sont accompagnés par un violon, qui n'est pas sans rappelé certaines introductions du groupe islandais Sigur Rós. La majorité de l'album ayant été composé et enregistré Islande, cette influence n'est pas si surprenante.
Damien Rice nous livre un folk moins épuré, plus dissonant que ses précédentes compositions. À l'instar de Keaton Henson dans "Birthdays", sa musique témoigne de son acceptation à s'assumer enfin tel qu'il est, imparfait et tourmenté. C'est sûrement cela qui rend son album si beau, il a su se laisser guider par son instinct et revenir à ses racines pour se sublimer et produire une œuvre remarquable de sensibilité et de sincérité.