Remords d'une ombre
Les bras croisés sur son torse nappé de miel, un jeune garçon songe à la mort. Encerclé par des dizaines de mains cramponnées à des stylos, grattant lignes sur lignes avec fureur, il se sent comme un...
le 11 mai 2017
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Le soleil, acide de timidité, déversait avec parcimonie ses rayons sur la campagne ronflante.
15h, je sors plus tôt de mon travail, j'ai des rendez-vous important à la ville.
D'un pas allègre, je me dirige vers ma voiture, me colle fissa derrière le volant, hâte d'en finir,
hâte d'écouter My Love Is a Bulldozer, premier album de Venetian Snares qu'on me prête, je suis vierge de ses sons (à part peut être sur des compiles U-zik et son label) je déchire l'emballage du dernier Kinder Country qui traine sous ma pile de cd, j'insère la galette dans mon lecteur et PLEIN GAZ vers mon destin.
à toute berzingue dans la campagne
tu parles.
50 mètres plus loin, mon ardeur est stoppée par un gigantesque convoi exceptionnel .
je mets 1h15 rien que pour sortir de la ville où je bosse.
puis je tente de le dépasser quand même, ce convoi de mes deux, et me fait klaxonner par le gros 15000 tonnes, limite écrabouiller contre la rambarde, harceler par les flics, faut croire qu'ils s'en moquent, des gens pressés...
du coup ça servait à rien que je finisse plus tôt, je suis en retard.
et surtout, cette saloperie d'auto radio qui (une fois encore) refuse de cracher le cd inséré.
Bloquée, j'étais, pendant plus de 2h30, avec Venetian Snares.
Ah ouais, je vous ai pas parlé du disque.
à votre avis?
Une putain de torture.
L'impression d'avoir les tympans cramés au chalumeau ; ça commence avec la track 1, les vocaux tout nazes, là, m'ont mis la puce à l'oreille et m'ont direct alertée : j'ai rapidement zappé sur la 2, qui m'a fatiguée dès la première seconde, avec ses vieux violons de pucelles, non, vraiment, quand t'as le cul du plus gros convoi exceptionnel de la terre sous le pif, c'est clairement pas Deleted Poems qui va calmer le jeu.
idem pour les morceaux suivants, à croire que le mec s'éclate EXPRÈS à triturer les sons les plus imbuvables de ce siècle et de nous les servir en pile sur un plateau d'argent, agrémenté de caviar grouillant et d'une rasade de champagne rance. Jetez une oreille aux vocaux de 1000 Years et venez me dire que j'exagère. La dissonance est charmante lorsqu'elle est palpable. Là, elle se contente d'agiter son maigre fantôme sous le sexe blanchi de l'homme-cheval, à deux pattes sur le tapis, prêt à vous écraser la tronche de ses deux sabots du devant. Passons.
ça aurait pu être rapidement plié si l'album ne présentait une anomalie.
She Runs, la numéro 7, qui s'ouvre à la manière d'une fleur gorgée de soleil mais timidement, délicate et sauvage comme un songe dur à rattraper, et qui se dévoile doucement au fil du temps. Ce morceau est exceptionnel. Pas seulement à cause de son statut de clandestin miraculé, paumé au milieu de cette galère, mais aussi pour son bagou, son effronterie de jeune premier qui n'hésite pas à débarquer à moitié nu en plein milieu du banquet et de brailler sur la comtesse que non, décidément, il ne s'arrêtera que lorsqu'il l'aura détroussée.
ça se provoque en duel, ça hume et ça crève maladroitement , serait-ce la providence qui l'a déposé là?
Non. C'est bien Venetian Snares, ce sale Chaman des drum and basses, m'obligeant alors à prêter une oreille attentive à tous ses autres morceaux, 'cas où il en trimballerait un autre de cette intensité, quelque part dans ses cascades platines, aurais-je le courage de m'y plonger?
Oui.
La route est longue, de toute façon. Et depuis ce jour, mon lecteur CD réparé.
Créée
le 24 déc. 2015
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