L'avenir du rock ?

    Je me permet de mettre de côté la critique que j'avais en tête pour revenir un moment sur la Une des Inrocks qui titrait à la sortie de l'album "La Femme est l'avenir du rock"... Voilà, on te pose ça comme ça en affirmatif, sans débat possible, même pas du rock français mais du rock tout court, les Inrocks quoi, toujours dans la surenchère. D'ailleurs, ils continuent dans leur article, je cite : "Tout ce qu'on a aimé depuis cinq décennies dans la pop et le rock made in France..." Qui c'est ce "on" dont il parle ?  Va dire ça à un Punk, que "La Femme est l'avenir du rock", pas sûr que tu ne repartes pas avec un bleu. Voilà déjà le premier problème que j'ai avec cet article ; les Inrocks parlent à notre place et ça commence à être dans leurs habitudes d'imposer leurs goûts aux nôtres de cette façon. De plus, ils choisissent la facilité dans leur énoncé en parlant de "l'avenir du rock" alors que ce terme, "rock", englobe tout un tas de genre et de sous-genres, on le sait, ils le savent... Il aurait été déjà plus juste de parler de "l'avenir du revival new-wave" malgré le fait que la "new-wave" elle-même est difficilement définissable et que celle de "La Femme" est teintée de surf-music, de yé-yé, de synthés et autres influences, venant pas forcément du rock. 

On arrive alors au second problème que je pose ici : comment peut-on parler d'avenir alors que la musique de La Femme est clairement tournée vers le passé ? Ils le disent eux-mêmes, leurs inspirations viennent de Marie et les Garçons, Etienne Daho, Taxi Girl, Elli & Jacno, les Rita Mitsouko et j'en passe... leur musique reprend tout ce qui a été fait par ces artistes à l'époque (certes, que du bon mais) sans véritablement la faire rentrer dans notre modernité. J'ai rien contre la culture du rétro (au contraire) et je pense qu'elle pourrait être à l'origine de l'avenir de la musique, mais seulement si on y apporte quelque chose de neuf, comme une production plus moderne, voire même des paroles teintées d'actualité (ici, les paroles peuvent s'appliquer aussi bien dans une description de notre génération que la génération ayant vécu les années 70/80). Alors, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, j'aime "La Femme" mais tout comme j'aime les groupes pré-cités, tout comme j'ai pu aimer "The Bewitched Hands" avant leur séparation, sans avoir une quelconque sensation de nouveauté. Si ça parait si frais, c'est que ça l'était déjà il y a quarante ans et que ça fait du bien de pouvoir replonger là-dedans, dans cette candeur juvénile perdue dans une période morose de terrorisme, de désenchantement politique, de guerre d'égos et de productions Drill/Trap.

Non, ce qui me gène, c'est la façon de sur-vendre ça par les Inrocks, avec ces accroches "La Femme peut-elle sauver la France" ? "On aimerait que la France ressemble à la Femme"... Ahaha, et dire qu'on dit de moi que je suis utopiste ! Rock & Folk est par exemple plus nuancé dans sa Une, préférant poser la question à ses lecteurs : "L'année de La Femme ?", même s'ils finissent en prenant le pari que "La Femme" est l'avenir du rock bleu blanc rouge... Il y a également dans l'article des Inrocks quelques passages interviewés où je ne suis pas forcément d'accord avec le groupe, comme "Notre style, c'est le mélange, avec pour terme générique le psychédélisme". La première partie est juste mais est-ce qu'il suffit de quelques reverbs pour parler de psyché ? Je ne rentrerai pas dans ce débat maintenant mais il va falloir que l'on redéfinisse ce qu'on entend de nos jours par "psychédélisme", qui devient effectivement un terme de plus en plus générique et appliqué par tous. Enfin, un magazine qui vante la mélodie de "Vagues" et qui dénigrent Mylène Farmer, désolé, mais pour moi ce n'est pas cohérent, comme si leur légitimité de critique rock prenait le dessus sur le reste.

Voilà ce que je pense des Inrocks qui, par leur arrogance et l'absence de plus en plus flagrante de ligne de conduite, ce qui baisse et la qualité du magazine, et leur légitimité, perdent jour après jour leurs lecteurs, se font critiquer, voire insulter en commentaires et dont les hors-séries sont ce qui restent de plus intéressants. Pour ce qui est de la Femme, s'il est dit dans l'article que le groupe est imprévisible, je pense le contraire : j'ai entendu pratiquement la suite logique de leur "Psycho Tropical Berlin", que je préfère à ce "Mystère". La différence vient du fait que le premier était une compil' des premiers E.P, qui contient donc pléthore de tubes alors que pour ce second, tout a été composé exprès pour l'album, et ils ont mis ce tout dedans. Si ça commence fort, on sent une baisse d'inspiration et d'efficacité après "Tatiana" même si la qualité reste sous-jacente tout le long. On peut alors se demander si le groupe ne finira pas par lasser sur la longueur, malgré ce "Mystère" encore très bon.

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