Il suffit parfois de peu de choses pour qu'un album volontairement inscrit dans le cadre d'un style extrêmement balisé sorte du lot, et dans la plupart des cas c'est de la qualité des morceaux qu'il s'agit. C'est pourtant une notion relativement floue, dont la définition précise semble réservée aux spécialistes, mais il me semble, et vous noterez évidemment que cette vision des choses m'arrange bien, que sans pour autant être un stakhanoviste des dièses et des bécards on peut facilement distinguer un bon morceau d'un moins bon, au-delà du lustre d'une production de qualité ou des caractéristiques plus spécifiques qui font souvent le succès d'un artiste.
Observons donc le nouvel album du combo suédois Fejd, intitulé Nagelfar. Il s'agit pour moi d'un des meilleurs albums de folk metal qu'il m'ait été donné d'entendre ces dernières années, et j'en ai entendu beaucoup. Il possède bien sûr toutes les caractéristiques inhérentes au style, et si vous détestez celui-ci vous n'y sentirez aucune différence notable. Au premier abord seulement, car dès que l'on se penche un peu plus attentivement sur les chansons, et à vrai dire il n'est pas nécessaire d'aller bien loin (écoutez soigneusement le premier morceau, Ulvsgald), on constate que loin de n'être qu'une resucée des thèmes folk habituels Nagelfar abrite de petits bijoux mélodiques et rythmiques. Bien sûr les instruments traditionnels sont bien présents, la voix est rocailleuse et héroïque, et le groupe a su parsemer son folk de sons plus modernes, lui donnant une fraîcheur bienvenue.
Mais c'est loin d'être la seule qualité de Fejd. Tout y est un peu mieux qu'ailleurs, à commencer par la présence hypnotique de Patrick Rimmerfors au chant. Et, comme je l'ai déjà dit, les morceaux sont d'une qualité inhabituelle dans ce domaine musical : particulièrement imaginatifs, les cinq membres de Fejd alternent entre polka, folk, chevauchées épiques et touches metal, le tout emballé par une production rustique et rugueuse du meilleur effet.
Habile mélange entre l'aspect « true » du chant en suédois et des instruments traditionnels et la touche moderne des mélodies qui semblent moins marquées par le médiévalisant qui fait fureur en Europe depuis une décennie, Nagelfar n'est pas avare de moments réjouissants, notamment sur les superbes Ulvsgald et Nagelfar (dont le riff principal évoque furieusement le black norvégien dans toute sa splendeur), mais aussi le plus calme et mélancolique Vindarnas Famn, qui doit (presque) autant aux lacs gelés qu'aux plages californiennes. Et j'exagère à peine.
Quelques tournures de phrases mélodiques ou des agencements de structures variées laissent à penser qu'il y a plus dans le crâne des suédois qu'un simple album de folk épique à ranger parmi les autres. On pourrait presque espérer une évolution à la Moonsorrow au meilleur de sa forme (Verisäkeet ou Tulimyrsky), l'aspect black en moins bien sûr. Un album dont certaines ambiances tranchent nettement avec les ritournelles répétitives des récents Eluveitie, pour ne citer qu'eux, et qui à n'en pas douter devrait ravir les sceptiques