Quand le coeur est au bord du gouffre

Peut-être, cet EP signé Trhä, ne parle-t-il pas d’amour ? Mais à moi, il me parle. Et je veux parler de sentiments. Intensément. De nuits vides. De nuits seules. D’espoir et de souffrance. Il y a quelque chose chez Trhä de résolument émotif, écorché vif, ses vocaux.


Peut-être l’auditeur de metal, habitué aux raclements de gorge et autres vociférations gutturales, ne verra là qu’une énième déclinaison de l’expression « sortir des tripes ». S’il y prête attention, l’éviscération, jusqu’à l’écœurement, comme on époumone, un déchirement pareil, d’âme, le déracinement, revêt ici un caractère singulier.


n​ê​bam​Ω​ejn s’ouvre sur une musique noctambule, comme le passage de l’ombre à la lumière artificielle, de ruelles sombres en ruelles plus sombres, d’avenues luminescentes en boulevards surexposés. Quelques notes de synthétiseurs froidement lumineux, éclairent d’une aura glaciale, l’hiver sentimental. On est plongé dans cette atmosphère textile, de soie et de velours, pour, par contraste, sous les caresses, détruisant l’acquis du début, bouleverser l’âme. Où l’on rencontre quelqu’un. Peut-être une inconnue, peut-être des démons ou encore le diable en personne. L’on chemine dans ces cris oppressants, comme l’insomniaque qui ne veut pas dormir, comme l’homme qui refuse de mourir, comme l’éclair qui ne veut pas s’éteindre, et tout est mystérieux. Du titre, aux lyrics, en passant par l’anonymat de l’artiste, tout plongé dans la plus insondable des nuits.


On voudrait bien que ce morceau soit plus long, qu’il ne se termine, d’autant qu’il culmine, après les premiers claviers, en riffs saturés, cordes intenses, tourneboulantes. Et quand tout s’emballe, le corps chamade, la respiration halète, le corps palpite. Un désespoir, une souffrance communicatifs, l’âme, ses hurlements.


Avec n​ê​bam​Ω​ejn, c’est un EP épique et intime auquel nous convie Trhä. Il saura convaincre les plus récalcitrants au genre, que la beauté est inextricablement liée au mystère, qu’il lui donne sens, essence et quintessence. Que le cœur est un vortex noir, la nuit tombée, d'où sortent des ténèbres hurlantes.

Pikbilis_
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le 9 nov. 2024

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