Nevermind
7.8
Nevermind

Album de Nirvana (1991)

Mieux vaut brûler franchement que s'éteindre à petit feu

Bientôt trente piges… Le 24 septembre prochain. Il y a trente piges, le phénomène Nirvana déferlait sur le monde avec le carton de son album Nevermind. Un groupe qui, en quelques années seulement, bouscula le paysage rock de l’époque, éclipsa les Pearl Jam et les Soundgarden, les Guns d'Axl et la britpop d'Oasis et de Blur, et devint la figure emblématique du mouvement grunge.


Pourtant rien n’était gagné au départ. Tout partit du chanteur-guitariste Kurt Cobain et du bassiste Krist Novoselic, de leur envie d’exporter la scène grunge de Seattle et de hurler leur vision désabusée de leur époque. Leur premier album studio, Bleach, sorti en 1989, permit à Nirvana de séduire l’oreille de la critique et de se constituer déjà une certaine base de fans. Puis le groupe se lança dans la production d’un second album studio. Chaperonnée par le génial Butch Vig (le batteur et fondateur du groupe Garbage) qui les aida à « créer un son différent », très influencée par les mélodies simples et hallucinées des Pixies, la bande à Cobain tâtonna (la plupart des mélodies avaient été composées avant l’écriture des paroles), trébucha (l’éviction du batteur Chad Channing au profit de Dave Grohl), souffrit (Cobain se cassera la voix en fin de session d’enregistrement) avant de produire Nevermind que leur label commercialisa sans grande promotion.


L’énorme succès qui suivit en fut d’autant plus surprenant pour tous les partis, les morceaux Smell like teen spirit et Come as you are, commercialisés en singles, propulsèrent l’album en tête des charts. Le groupe devint très vite un phénomène mondial et leur chanteur, l’icône d’une génération en perte de repères, coincée entre la résurgence d’une britpop autocentrée, l’émergence du hip hop et le succès d’une dance music industrielle. Dans un tel paysage musical, le son de Nirvana, l’énergie tonitruante de Smell like teen spirit, le riff d’intro inquiétant de Come as you are et la voix de Cobain, aussi aiguisée qu’un rasoir, ne pouvait que surprendre et détoner. Et annoncer la grandeur d’un album tout aussi innovant musicalement qu’il alignait les tubes de manière cohérente.
Outre les deux titres-phares, Nevermind nous faisait apprécier l’ironie cinglante et les ruptures tonales d’un Lithium, la puissante intro et les sursauts rageurs d’In bloom, l’énergie dévorante de Breed et de Stay Away, la simplicité mélodique de Polly et la douce mélancolie de Something in the way. L’album marqua ainsi toute une génération par son spleen délétère et sa rage maitrisée, loin des expérimentations exacerbées de Bleach.


Bien sûr, le grunge devint une mode (éphémère). On ne compta plus les ersatz de Nirvana, les groupes (anciens ou nouveaux) et les labels qui tentèrent de surfer sur leur succès. Le groupe de Cobain, lui, renouvela l’exploit en produisant un autre album de la même trempe, In Utero, et en donnant leur concert mythique, le MTV Unplugged in New York. Mais le chanteur se désola plus d’une fois d’être devenu un « produit de consommation courante » et du peu de marge de créativité que lui laissèrent alors ses producteurs et son public. Le suicide de Cobain le 5 avril 1994 résonna alors comme un coup de tonnerre et contribua à renforcer sa légende. Le mouvement grunge, lui, ne lui survit pas et s’éteignit sur les dernières braises laissées par ce voleur de feu qui dans sa lettre d’adieu à son ami d’enfance imaginaire, citait le chanteur Neil Young : « Mieux vaut brûler franchement que s’éteindre à petit feu« .


Elles sont loin maintenant les années Nirvana, où l’on trouvait sur les tables des collèges et dans les salles de colle, le nom du groupe, parfois gravé à même le bois. Je me souviens encore de cette amie, en 5ème, qui la première m’a demandé « Tu connais Nirvana ? « . Et de cette étrange pochette d’album que je découvrais un peu plus tard. Avant d’écouter le CD et de me réécouter sans cesse chaque morceau, surtout Come as you are et Lithium. Aujourd’hui encore, trente ans après, le bébé Spencer flotte toujours en apnée, comme dans un rêve de liberté et de mort, à la poursuite du billet illusoire qu’on lui tend.

Buddy_Noone
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le 1 sept. 2021

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Buddy_Noone

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