New Bermuda est attendu, et c'est peu dire. Autant adulé que décrié, élaguant un clivage entre puriste du genre et néophyte profane, le groupe américain Deafheaven avait déchainé les passions dans la sphère Metal en 2013 avec son "hipster Black Metal" et sa volonté de franchir les frontières du mélange des genres et des structures comme peut le faire Fucked up dans la sphère punk/Hardcore. Sans crier gare, Sunbather était apparu au grand jour et fut une immense baffe, pour former un parfait mélange de tout un tas d'univers musicaux où les blasts du Black Metal venaient s'accoupler avec le post rock d'Explosion in the sky, le screamo d'Envy et le shoegaze de My bloody Valentine. Sur ces entrefaites, Deafheaven balançait l'homogénéité de sa fougue incontrolable pour faire éclater un parti pris assumé jusqu'aux bouts des ongles en donnant naissance à des titres monstrueux et monolitiques tels que "Dream House" ou "Sunbather".
Une musique qui s'écoutait comme pouvait se regarder une oeuvre Terrence Malick. Un grand huit émotionnel idyllique . Puis sans faire beaucoup de bruit, le groupe américain revient dans les bacs et enfonce définitivement le clou. Néanmoins, à la première écoute, New Bermuda parait beaucoup moins immédiat que Sunbather. Plus pragmatique, plus dark et moins lumineux tant dans sa rythmique que dans ses textes, Deafheaven réussit néanmoins le pari de parcourir encore plus profondément les entrailles de leur musique avec un nouvel opus plus complexe. L'album comporte seulement 5 morceaux dépassant tous les 8 minutes. Dès le premier single "Brought to the water", Deafheaven a apporté quelques modifications à ses vocalises, avec un chant moins screamo, monolitique mais beaucoup plus BM et varié dans ses tonalités, accentuant la viscéralité dark du disque, tout en gardant une émotion palpable à l'image des growls finaux de "Gifts to the Earth".
Avec un changement de label, allant de Deathwish à Anti-, le groupe clarifie ses envies, amplifie la clarté de sa production notamment au niveau des riffs qui sont beaucoup plus Metal que Post rock ("Luna"), harmonise ses sonorités diverses encore plus marquées, casse les barrières de sa rythmique en passant du blast BM d'Enslave ("Come Back") au riff étoilé de Joy division ou The Cure ("Gifts for the Earth"). "Baby Blue" étant le point culminant de cet album, et qui regroupe alors toutes les facettes de New Bermuda commençant doucement par une rythmique post punk pour tomber avec fracas contre un mur du son BM des plus dévastateurs, pour par la suite osciller entre calme et tempête. La force de Deafheaven, est de ne jamais rendre sa musique gratuite, évitant le piège de la redite facile ou de la référence pompeuse. Un nouveau coup de force puissant et prenant, cachant de nombreuses subtilités