Comme toute légende rock, PETER GABRIEL s'arc-boute finalement sur son propre répertoire. Après avoir remodelé quelques unes de ses chansons favorites sur des arrangements orchestraux somptueux mais parfois un poil plan-plan, le revoici en compagnie de ses propres compositions, une nouvelle fois arrangées autour d'un orchestre de 48 musiciens.
« Je pense que la musique, ou quelque création que ce soit, se doit d'évoluer et plus encore dans le monde digital où il suffit d'appuyer sur le bouton lecture pour que tout se mette à sonner de la même façon. Je ne pense pas que ce soit quelque chose de très intéressant pour le public. Par contre, il me semble plus intéressant que les choses bougent, changent, quitte à aller dans le mauvais sens. »
A 61 ans, Peter Gabriel peut se targuer d'aller enfin se brûler sur les feux de la rampe orchestrale, réussissant son pari bien au-delà de ce qu'avait pu tenter nombre de chanteurs ou bands calcinés entre deux eaux (Metallica, etc.) Il faut dire que New Blood documente l'ambivalence de Gabriel. Si le projet peut sembler combler un vide créatif préoccupant, son dernier album studio datant de 2003, il n'en est rien. En témoigne le bassiste Tony Levin qui a déjà évoqué l'existence d'un puisard de plus d'une centaine de titres déjà écrits ou enregistrées. Le perfectionnisme maniaque de Gabriel fait le reste. En attendant du neuf, l'ex chanteur de Genesis peut donc aller piocher dans son répertoire d'une incroyable richesse et scruter la modernité de ses chansons à la lumière de ces nouvelles orchestrations symphoniques.
Des chansons jamais grandiloquentes malgré une production assez prodigieuse, pleine de classe et de subtilité, signée John Metcalfe. La question de savoir si ces versions sont meilleures que les originales, souvent plus abruptes, n'a pas de sens. New Blood ne cherche pas à surpasser le passé, juste à épaissir les choses, à leur donner un nouveau relief, une vision sans vernis artificiels, laissant la voix (et quelle voix !) tenir le premier rôle.
« I Hold the Line... »
Alors oui, comme toujours sur ce genre d'exercice, certains titres se prêtent moins au jeu. On pense notamment à « Don't Give Up », vampirisé d'origine par le duo formé avec la divine Kate Bush et reprise ici de façon surprenante par le phrasé minimaliste de la chanteuse norvégienne Ane Brun. Mais l'émotion touche parfois au sublime. « The Rythme of the Heat », « Mercy Street », « Red Rain », « San Jacinto » et « The Nest That Sailed The Sky » concrétisent le voyage sur des hauteurs vertigineuses.
Impossible de se tromper : New Blood est une véritable invitation couvrant 30 années de carrière sans complaisance pour les faces les plus meanstream de l'œuvre. Au-delà du chanteur, on redécouvre avant tout les fulgurances du compositeur. Cette face prend toute sa dimension sur le second CD uniquement instrumentale. Ultime plaisir coupable.
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