Ne vous fiez pas au titre, la cuvée 84 de Lou Reed n'apporte rien de nouveau. Le trublion new-yorkais y poursuit sa carrière en toute simplicité, sans se laisser engloutir par le mauvais goût eighties, sans chercher à tout prix l'expérimentation comme il le faisait régulièrement dans les seventies. New Sensations est une simple collection de chansons jamais passionnantes jamais ennuyeuses, jamais grandioses jamais ratées, où l'ambiance est plutôt caustique et up-tempo, à l'image du charmant single "I Love You, Suzanne". Comme avec son sous-estimé prédécesseur, il s'agit de la recette parfaite pour un album qu'on écoute peu mais toujours avec plaisir.
C'est grâce à la récente réédition que j'ai pu redonner sa chance à un disque dont plus personne ne parle. De prime abord, y a de quoi avoir peur : 84 n'est pas une année tendre pour les vieilles légendes et quand on voit la distribution - treize musiciens/choristes sont crédités - on craint vite le truc surchargé, trop ambitieux. Puis on va pas se mentir, la pochette est naze. Heureusement, Lou s'affiche ici en toute simplicité, avec ses habituelles histoires d'errances nocturnes et de romances compliquées, avec les mêmes bon vieux riffs et des chœurs qui servent surtout à imposer la mélodie derrière son inimitable parlé-chanté. Pas de production dégueu, de batterie trop métallique ou de tentatives électro-disco, on retrouve la formule qui gagne, déclinée en rock laid-backs ("Endlessly Jealous", "My Red Joystick") ou en ballades gentiment désabusées ("Doin' The Things That We Want To"). C'est drôle ("High in the City" où l'on se défonce en ville sur fond de percussions des Caraïbes), c'est touchant ("Fly Into the Sun", copié-collé sympathique de "Ride into the Sun"). Et contrairement à ce que rabâchent les haters, il ne s'agit pas d'auto-parodie mais juste d'un type qui ne doit à rien à personne et fait ce qu'il sait faire sans trop d'efforts, nonchalamment. En s'étant levé du bon pied pour une fois.
Si ce qu'on aime chez Lou, c'est le danger, la subversion, le mec qui fait pleurer des gosses sur Berlin ou insulte son public sur Take No Prisonners, il est aussi plaisant de le voir arrondir les angles et s'afficher sans prétention. Ça n'enlève rien à son cool légendaire. On peut même dire que ça lui donne du relief.